À peine éclipsée par son tapageur compatriote The Strangers, la petite sensation coréenne du dernier festival de Cannes sort sur les écrans en plein ventre mou estival (deux blockbusters par semaine, tous pourris) et semble mettre beaucoup de monde d’accord. Sur le papier, il faut dire qu’il y a de quoi faire envie :tandis qu’une déflagration virale se propage et métamorphose précipitamment la moitié de la population en zombies, un père divorcé et sa fille se retrouvent coincés dans un train lui-même infesté et tentent, aidés de quelques passagers, de rejoindre maman à Busan.

Pitch prometteur et alléchant, qui tient pourtant moins de la formule originale que de l’amalgame de bonnes recettes. En effet, le huis clos à grande vitesse offre surtout au réalisateur l’opportunité de reparcourir diligemment toutes les étapes habituelles du genre, en ramassant son programme le long d’un interminable couloir étroit. Le problème est que, tout en multipliant les morceaux de bravoure (une traversée de compartiments à coups de barre à mine, façon Old Boy chez Romero), le récit ne parvient jamais à optimiser complètement son décor et son postulat. On retrouve ainsi les mêmes travers que dans The Strangers, cette manière de noyer le manque de précision de la mise en scène sous une impulsivité constante et d’innombrables facilités d’écriture (on apprendra que c’est à cause d’une firme pour laquelle boursicote le protagoniste que l’épidémie s’est diffusée – oh bah zut).

D’autant que Yeon Sang-ho a de la suite dans les idées et ne cache pas son ambition de grande fiction politique, ce train corrompu devenant rapidement la parabole d’une société coréenne en proie à la crise et à la division. Là encore, le film n’est pas sans belles inspirations (les deux vieilles sœurs qui, séparées l’une et l’autre par une porte vitrée, semblent rejouer les effets familiaux dévastateurs de la coupure du pays en deux), mais l’accablant schématisme de ses représentations sociales confère à ce sous-texte des airs de pure convention, comme si le réalisateur voulait cocher toutes les cases du cahier des charges.

Cet éventail d’ambitions, caractérisant depuis plusieurs années le pire comme le meilleur du cinéma coréen, condamne par ailleurs à l’asphyxie le mélo familial empâté qui circule à travers les lambeaux de chair de ce survival horrifique. On connaît par coeur la mélodie de ces fables apocalyptiques désespérément accrochées à l’idée que, lorsque les mondes physique et moral s’effondrent, ne reste plus que la famille comme dernier refuge. Mais la comparaison avec les sommets du genre (The Host à l’est, La Guerre des mondes à l’ouest) est cruelle pour Yeon Sang-ho. Généreux dans l’effort mais brouillon dans l’exécution, le réalisateur égare progressivement son récit dans un spectaculaire et un lyrisme criards, dont la dimension boulimique occasionne certes quelques stupéfiants carambolages graphiques, mais donne surtout à penser que l’intéressé a eu les yeux plus gros que le ventre, et fantasmé un film un chouia au dessus de ses moyens.

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