A Hollywood fleurissent de temps à autre des sous-genres éphémères, donnant lieu à des films inclassables qui, dans le meilleur des cas, fascinent (Panic l’année dernière), dans le pire laissent une impression de bâtardise souvent classée sans suite. Dérapages incontrôlés fait partie de la seconde catégorie : il s’inscrit dans un courant post-Révélations (le film à thèse ouvrant sur des vertiges métaphysiques) qui s’est vu, ces derniers temps, honoré d’une poignée de thrillers au ventre mou questionnant les notions du bien et du mal. Premier indice : l’argument « une journée et toute une vie bascule », que l’on a vu récemment dans Training day et qui permet au film de traiter de questions existentielles en quelques raccourcis fulgurants.

Dans Training day, un flic découvrait au cours d’un premier jour d’entraînement toute la part de vice inhérente à la fréquentation répétée des bas-fonds, avant de repartir le soir même sur le droit chemin. Ici, c’est une banale rencontre au cours d’un accrochage (un avocat contre un homme en quête de rachat) qui transformera la vie de deux hommes. Le film du « tout en un jour » (ou en une nuit), nécessite une mécanique narrative parfaitement huilée, à l’image de celles d’After hours ou d’Un Jour sans fin, que ne possède évidemment pas Dérapages incontrôlés (pas plus que ses précurseurs C’est pas mon jour ! ou Une Journée de merde). D’où quelques scènes effarantes -au bord du chaos, le héros entre dans une église, demande le sens de la vie à un prêtre dans un confessionnal, ressort remis à neuf- et un sentiment de dilatation du temps qui, loin de l’effet voulu (le compactage trépidant et rythmé d’une action sur le fil), ouvre sur un entremêlement de rebondissements patauds et disgracieux.

Le film souffre par ailleurs d’un esthétisme creux qui tente tant bien que mal de s’approcher des sphères célestes du réalisateur de Révélations. L’échec de Dérapages incontrôlés, qui vient aussi d’une fin en porte-à-faux non voulue par le réalisateur (tout s’arrange et chacun repart de son côté), permettra au moins de confirmer qu’il ne s’agit pas simplement de filmer un beau décor rutilant sur fond de transes musicales synthétiques pour faire un bon film. Par sa petitesse ennuyeuse et sympathique, Dérapages incontrôlés donne, par l’inverse, encore un peu plus de valeur au cinéma de Michael Mann, et ce n’est déjà pas si mal.