On connaissait la comédienne Isild Le Besco, blonde et diaphane ensorceleuse de quelques films plus ou moins marquants (Sade, Roberto Succo, La Repentie, Le Coût de la vie). La voici cinéaste, ou plus sûrement demi-cinéaste, avec ce moyen-métrage entouré d’une belle réputation avant même l’annonce de sa sortie en salles. L’histoire, a priori très autobiographique, de trois enfants livrés à eux-mêmes dans un appartement parisien. Ecole buissonnière, fuites bohèmes dans les rues de Paris, petits jeux improvisés, grimages et féerie construite de bric et de broc : la chanson est connue. Promesse de cinéma avec quelques bouts de ficelle : tremblés impressionnistes, fil ténu et incantatoire de la voix-off, couleurs et mouvements, pauses et suspensions de routine. Tout cela est dans Demi-tarif, et heureusement un peu plus. Ce petit plus, c’est un rapport singulier au temps, une sorte de béance qu’il s’agit de combler par tous les moyens, mais sans jamais en forcer le mouvement.Eviter cette estampille est en soi, déjà, un très beau geste.

Habiter le grand appartement déserté par les parents comme occuper le temps sont les seuls objectifs des enfants. La réussite de l’entreprise tient dans sa façon de ne jamais forcer artificiellement cet état d’occupation permanente de l’espace et du temps, jusqu’à la nausée parfois, en laissant une certaine monotonie s’installer. Tous les jeux, toutes les fuites se valent ici comme dispositifs purement hygiéniques (hygiène du drame, hygiène du récit), au même titre qu’une séquence de lavage de dents ou de pause-pipi. Au fond, Demi-tarif est l’envers symétrique des traditionnels films iraniens sur le même sujets, archétypes du genre (recherche effrénée d’un souffle, transformation de la moindre séquence en scène d’action ou mini-thriller, détours et confrontations délirants). Rien de tout cela ici : si Demi-tarif semble un peu patiner sur la durée, et s’attarder lourdement sur des scènes étonnamment crues, sobres ou triviales, ce n’est nullement par fascination ou emphase. Par cette volonté de figement, lame de fond du film, advient paradoxalement un élan fragile et touchant.

Il y a là, plus qu’un film à proprement parler, une conscience de cinéaste. Dire qu’Isild Le Besco sait déjà « mettre en scène » est un peu prématuré, tant manquent ici les occasion d’une véritable « rencontre » avec le film et son sujet. Une fois le dispositif posé, demeure cette sensation d’une habileté qui n’est pas encore preuve de maîtrise, d’une conscience pas encore transformée en regard. La faute, au fond, à cette structure en points de suspension qui ne parvient que rarement à instaurer une réelle pesanteur dramatique. Mais à ce côté « volé au temps » résiste une belle impression : une ébauche déjà libérée du simple statut de brouillon inhérent à de nombreux courts ou moyens métrages. Une certitude aussi : en une heure, sur un sujet étonnamment proche, Isild Le Besco fait mieux que Bertolucci dans tout Innocents. Pas mal.