Dans un village perdu aux confins du désert iranien, Llia, un petit garçon d’une dizaine d’années, est terrorisé par des voix mystérieuses qui le hantent. Confronté à la solitude, il trouve en Limua, une fillette de son âge venue travailler avec sa mère comme saisonnière, une présence réconfortante. Entre les deux enfants une relation d’entente spontanée et de compréhension absolue se noue. Mais l’histoire de Llia, pour centrale qu’elle soit, inclut aussi pour Jalili, l’histoire d’un village, d’une communauté réunie autour de sa principale activité : la fabrication de briques en terre cuite. Production artisanale et archaïque, cette activité règle la vie des villageois. Tout n’est que poussière, eau pour élaborer le torchis, air pour les faire sécher, et feu pour les cuire. Ces quatre éléments structurent l’environnement de Llia et de ses compagnons de labeur. Mais plus encore, il les plonge au sein même de la nature, comme si la vie renouait avec son origine organique. Sur les mains ou sur les visages recouverts de poussière, la nature est présente partout.

Jalili va encore plus loin que l’évocation intelligente de la vie d’un petit village ; son film est à lui seul une expérience de cinéma. Il réussit à inventer une mise en scène novatrice, pleinement fondée sur le visuel et les puissances de l’image (le film ne comporte presque aucun dialogue). Tous les plans du film ne prennent sens que par un montage hallucinant, qui instaure une filiation à partir d’images que l’on pressent, au début, avoir été éparses. Leur réunion crée sens, crée vie et par la même crée le film. Fasciné par les regards des personnages, Jalili les laisse souvent flotter vers le hors champs des plans. Vers qui ou quoi portent ces regards ? Une atmosphère d’attente quasi messianique infiltre le film, comme si le spirituel intervenait aussi dans ce monde, tout entier centré sur l’offrande organique de la terre. Une spiritualité qui peut être inquiétante, comme ces voix qui empêchent Llia de dormir. Telles des apparitions, elles symboliseraient la manifestation de sa conscience venue déranger le cours mécanique de sa vie. Llia, petit garçon qui pleure encore, mais travaille comme un adulte, est à mi-chemin entre deux mondes, celui de l’enfance qu’il est en train de quitter, et celui des adultes qu’il est en train d’investir. Ces voix qu’il entend ne sont-elles pas aussi son appréhension de quitter un rivage pour en aborder un autre ? Traversée d’autant plus difficile que Llia semble perdu dans une solitude que Limua ne viendra combler qu’un temps, le temps d’une saison…