La ligue des critiques sous Lexomil le répète depuis toujours : le 7e Art, aujourd’hui, n’est qu’une affaire de recyclage. Tout a déjà été dit, montré, exploité jusqu’à l’écoeurement. Hypothèse déprimante selon laquelle il n’existerait plus, en France comme ailleurs, que des petits malins, pilleurs d’images, trafiquants d’idées, proxénètes du patchwork, rois des références pillées à droite à gauche. Si cette théorie émise par une poignée de passéistes rances et patentés s’avère évidemment stérile, Roman Coppola pourrait faire office de parfait bouc-émissaire chez nos grincheux de service. CQ, premier long du fiston de Francis, fonctionne en effet sur le mode de l’hommage permanent, de la citation hystérique, clins d’œil à gogo et coups de coudes entendus entre cinéphiles du premier rang. Le jeune Roman entend bien poursuivre la tradition familiale, mais en entrant par la petite porte, via l’exercice de style, la comédie bulle de savon. Plus modeste qu’il n’y paraît, Coppola ne prétend pas encore avoir trouvé SON cinéma, une voie personnelle et définitive ; il préfère donc butiner, voir ce qui se passe chez les autres pour peut-être trouver ce qui lui convient à lui. Avec un père et une sœur aussi doués, pourrait-on l’en blâmer ?

En l’espèce, CQ est une réussite, un objet hybride qui, s’il ne prend pas beaucoup de risques, assume parfaitement sa forme légère -lounge pourrait-on dire- et sans conséquences. Puisant son inspiration du côté d’une culture à la fois bis et underground, le film suit les tribulations de Paul, apprenti réalisateur déchiré entre sa vocation (le cinéma d’auteur pur et dur) et sa réalité (il travaille sur une grosse production de science-fiction, avec décors made in Cinecitta et bimbo psychédélique). De cette contradiction en puissance, il est vrai que Roman Coppola ne tire pas grand-chose, fait fi d’une quelconque ambition réflexive, singe ses modèles au risque de la caricature, bien qu’on ne doute pas un instant de son amour pour Mario Bava et Barbarella d’une part (la SF kitsch et sexy), Jim Mc Bride et la no-wave new-yorkaise de l’autre (les films de chambre fauchés). Car, au détriment de sa propre crédibilité, le petit Roman a choisi de s’amuser, de jongler avec ses fantasmes de cinéphile, quitte à ne traiter que la surface de son sujet -si sujet il y a. Véritable manifeste pop, CQ est un collage habile, souvent drôle, où les univers se bousculent (qui aurait cru que John Philip Law et Elodie Bouchez pourraient un jour habiter le même film ?) et se répondent, colmatés par le seul entrain de notre laborantin hype. Avec ce tour de passe-passe aussi vain que grisant, Roman Coppola retarde son entrée chez les cinéastes adultes ; après tout, rien ne presse, il n’est jamais trop tard pour se prendre au sérieux.