Les rapports père-fille sont fréquemment traités dans le cinéma américain sur le mode hystérique du papa qui n’arrive pas à se séparer de sa fifille qui -ô malheur- vole de ses propres ailes en ayant une vie sexuelle (voir par exemple Le Père de la mariée de V.Minnelli, digne représentant de cette lignée). Contre-Jour a le mérite d’inverser la situation : dans le film de Carl Franklin tout est donc montré du point de vue de la fille. Ellen Gulden (Renee Zellweger) idolâtre littéralement son père (William Hurt) professeur de littérature américaine et essayiste reconnu. Sa mère (Meryl Streep) est une femme au foyer enjouée dont elle n’a jamais été très proche et qu’elle méprise secrètement pour son manque d’intérêt envers les choses extérieures aux tâches ménagères. Ce schéma familial aurait pu perdurer éternellement si la maladie de la mère ne l’avait remis en cause. Obligée d’abandonner son travail de journaliste à New York, Ellen retourne dans le foyer familial pour s’occuper de sa mère atteinte d’un cancer. Ce séjour qu’elle perçoit comme une perte de temps et d’énergie va peu à peu ébranler ses certitudes vis à vis de ses parents.

Malgré une performance de Meryl Streep lorgnant vers la statuette de l’académie des Oscars, Contre-Jour est un mélodrame qui fait preuve de beaucoup de finesse dans sa description d’une famille américaine. Le père tant admiré n’est peut-être pas aussi parfait que l’on croit. Quant à la mère, elle se révèle être une femme courageuse et généreuse. Mais ce principe des vases communicants n’est jamais manichéen, il permet seulement de relativiser la vision d’Ellen concernant les figures familiales : ce père et cette mère qu’un enfant n’arrivera jamais à connaître réellement.
Mais pour bien faire, la maladie n’aurait dû servir que de révélateur aux dysfonctionnements familiaux. Hélas, elle finit par envahir la deuxième partie du film. Tout est alors fait pour mettre à contribution les glandes lacrymales du spectateur. Malgré cela, le film de Carl Franklin est un mélodrame réussi et adulte.