Le dernier opus de Raoul Ruiz débute en noir et blanc et sous les meilleurs auspices. Comme dans les vieilles actualités cinématographiques, un speaker commente l’arrivée de l’équipe du film sur les lieux -portugais- du tournage. Après le discours de bienvenue d’un élu local, le premier assistant réalisateur explique aux acteurs et techniciens l’architecture du scénario qu’ils vont illustrer et qui va se dérouler sous nos yeux. Combat d’amour en songe sera ainsi composé de neuf histoires indépendantes qui vont peu à peu se recouper, s’entrechoquer et former une myriade d’hypothèses narratives, à la manière de l’art combinatoire. Un très beau postulat de départ qui ne surprendra pas les amoureux de Raoul Ruiz, magicien de l’image et du récit.

Malheureusement, cette singulière idée de structure apparaît très vite comme un prétexte permettant au cinéaste chilien de laisser libre cours à son imagination fertile et désordonnée. Véritable auberge espagnole, le film regorge de trésors et de pirates, de nymphes et de fantômes, de cadavres toujours ressuscités. On y croise encore un jeune théologien schizophrène, un monstre qui rêve de rencontrer une femme sublime ou un faux Socrate abreuvant son auditoire des syllogismes les plus absurdes. Bref, on trouve de tout chez le Raoul. Mais rien de très emballant, alors que l’on reste avec le souvenir grisant de films voisins tels que L’Eveillé du pont de l’Alma (1984) ou Fado majeur et mineur (1994). Ici, l’onirisme permanent confine au sommeil, la poésie est aux abonnés absents, les inventions plastiques se font rares. Nous laissant sans repères, Ruiz s’amuse seul de son petit univers fantastique, de ses contes pour adultes à l’âme enfantine. Malgré leur grâce relative, les dialogues participent à la confusion de l’ensemble, pas franchement servis par un casting catastrophique (Elsa Zylberstein est décidément infilmable) dont la seule réjouissance réside en la présence tardive de Marie-France Pisier. Et si quelques séquences surnagent (un cérémonial orgiaque dans une grotte, les mésaventures d’un marin nain dont le bateau ne cesse de couler), c’est de façon purement autonome, jamais au service d’une quelconque unité. Un peu comme si Combat d’amour en songe proposait mille projets embryonnaires, mais pas un seul film.