Malgré les apparences, Coast guards a bien été tourné en 2006. Entre Kevin Costner en tête d’affiche et Andrew Davis (Piège en haute mer, Le Fugitif) aux commandes, il n’y qu’Ashton Kutcher qui ne fasse pas années 90. Mais en ce début de siècle, la désuétude n’est pas plus mal, tant Hollywood dégage une infâme bonhomie propagandiste dès qu’il s’agit de filmer une profession administrative. SWAT, Piège de feu ou World trade center galvanisaient le citoyen au travail, ses barbecues du week-end ou ses courses au supermarché, odes au conformisme, illustrations d’une société qui s’éclate dans la soumission et la discipline. Pourtant, à l’origine, Coast guards est bâti sur le même plan : passage de témoin entre un sauveteur modèle et son fils spirituel, goût de l’effort, de la dérouillée du samedi soir et de la sardine grillée.

Mais incarnée par Davis et Costner, l’autorité en prend un sacré coup. Finis les vieux briscards faussement dans le vent, la mise en scène assume noblement sa vétusté. Comme souvent dans le cinéma de Costner, il y a du Eastwood au rabais. Le mélange classicisme artisanal / introspection est onctueux mais laisse quelques grumeaux. Parce que la star a toujours du mal à se situer, ne sait pas trop quoi dire. Plus qu’un rebelle, c’est un désaxé (Danse avec les loups, Un Monde parfait), un grand gosse au bord de la rupture, destructeur, ressassant à l’infini ses excès -la mélancolie est une seconde nature chez lui.

Dans Coast guards, il tue plus ou moins ses collègues pour s’être acharné à récupérer des cadavres dans la tempête. Mis au placard dans un centre de formation, il inquiète le staff d’encadrement par ses méthodes peu orthodoxes. Faiseur flapi mais pro, Davis a le mérite de tout enregistrer (d’où les 2h17, et son trop plein de flonflons) : les rides de sa star déchue, sa mine soucieuse, endolorie, le contre champs vigoureux de la jeunesse (Kutcher, grande gueule sympathique toujours au bord de la parodie). Du coup, le paternalisme à la John Wayne part en vrille. Les entraînements à la dure glissent dans l’autodestruction adolescente (une longue trempette dans l’eau glacée partagée avec ses élèves), les névroses conditionnent l’apprentissage (prise en grippe, fuites, obsessions). Grâce à lui, la marginalité se met au service de la bonne cause, trouble le volontarisme machiste via une fragilité souvent lourde mais qui emporte le morceau. La lourdeur, le déchet, la ringardise, voilà ce qu’endure Kevin Costner, conquérant de l’inutile bouleversant sur l’échiquier d’Hollywood.