Il y a trente ans chez Mike Nichols, la chair était radieuse. Certes, l’ère de la psychanalyse débutait, et il devenait in de se triturer la cervelle sur le lien entre sexe et sentiments, mais au moins on baisait. A l’époque du Lauréat ou de Ce plaisir qu’on dit charnel, Nichols aimait déjà la sexualité cérébrale mais avait encore un certain sens ludique de l’hédonisme. Aujourd’hui, alors que les néo-cathos se sont arrogés le pouvoir pour quatre ans de plus aux Etats-Unis, le réalisateur a abandonné toute volonté de rébellion contre l’ordre établi, et fait où on lui dit de faire à travers ses chroniques de moeurs. On en a eu un signe avant-coureur avec son adaptation d’Angels in America, portrait d’un monde post-Sida qui a dû procurer des érections aux mormons de tout poil dans son discours rétrograde, au bord d’adouber la thèse de la punition divine. Closer se rapproche encore plus d’un univers glaciaire, où chaque parcelle de plaisir est recouverte par une double dose de culpabilité. Cette histoire de ménage à quatre aux positions variables édicte une nouvelle charte des sentiments : éprouver du désir c’est mal. Sortir des sentiers battus, c’est mal. Succomber à la tentation, c’est mal et en plus c’est se vouer aux pire gémonies. Le choeur constitué de Roberts, Law, Portman et Owen n’en finit pas de chanter les louanges d’un nouveau code amoureux condamnant le moindre écart. La notion de jeu de la séduction est absente de ce film qui le remplace par des actes de contrition digne du plus rigide des catéchismes. Signe des temps et de la résignation devant le politiquement correct, dans Closer, il n’y a plus de place pour l’érotisation des corps, même une séance de strip-tease vire à une frigorifiée psychanalyse de comptoir. La frime vulgaire de Showgirls peut alors épouser l’austérité Bergmanienne. Mais uniquement pour le pire.

Closer, film ultra-théatral a oublié que ce sont ceux qui en parlent le plus qui le font le moins. Les dialogues ont beau tenter de devenir grivois, en plaçant un « fuck » par-ci par là, voire même les virtualiser lors d’une pathétique scène de drague via Internet, ils en ressortent toujours plus frigides parce qu’éminemment empreint d’un snobisme des plus détestables. Celui de vouloir utiliser des acteurs aussi gorgés de sex-appeal que Law, Owen, Portman ou Roberts pour prôner les vertus de l’abstinence et de la rétention des sentiments. Une obscénité qui baigne le film jusque dans sa grise mine finale, où chacun rentre chez soi se coucher, avec probablement la prière du soir et pas de booggie-woogie ensuite. Nichols a sûrement connu le Flower power et la libération sexuelle à la fin des années 60. Il n’était pas obligé de nous asséner, avec ce prêche pour une paroisse encombrante, sa pénitence.