Réalisé en 2001, Clément, initialement commandé par Pierre Chevalier pour la série « Petites caméras » de Arte, a mis longtemps à sortir en salles. Serait-ce à cause du caractère sulfureux de son sujet, l’amour entre une trentenaire et un garçon de treize ans ? On en doute. Tourné caméra à l’épaule comme un interminable home movie, surexposé à tort et à travers, manquant de rythme, ce n’est hélas qu’un enchaînement de scènes attendues à partir de son idée de départ, la différence d’âge, qu’il souligne tout en prétendant la faire oublier (le sujet du film n’est pas la pédophilie). Dès la fête de famille où se noue le désir entre Marion et l’ami de son filleul, tout sonne faux dans le bougé des images, l’agitation prépubère des garçons et surtout dans l’intérêt manifestement fabriqué de Marion, toute en sourires, pour Clément, pourtant guère différent de ses camarades. Dès lors, les scènes « à faire » se déroulent comme prévu, mais le spectateur malchanceux qui n’aura pas cru au coup de foudre aura du mal à prendre le train en marche. Car il ne suffit pas, en bonne ancienne élève de la Fémis comme l’est Bercot, de coucher sur le papier l’idée d’un amour interdit, encore faut-il le faire naître à l’écran, fût-ce en deçà de toute psychologie. Vidé de substance, le personnage de Marion demeure sans aucune épaisseur personnelle ou professionnelle ; elle se contente de répondre « ça m’est égal, tout me va » à Clément quand il lui demande ce qu’elle a envie de faire.

Mais le banal, objectera-t-on, n’est-il pas justement la chose du monde la plus difficile à capter sur pellicule ? Le paradoxe de Clément comme celui de nombreux films du Dogme danois, c’est que même un cinéma à ras-le-réel peut sonner faux. Chichement alimenté par son postulat initial (pas si révolutionnaire que ça), le film multiplie les situations où la différence d’âge fait achopper l’entente dans le couple : le menu enfant qu’on propose à Clément au restaurant, la boîte de nuit pour ados physiquement trop éprouvante pour « la vieille », les vergetures de celle-ci mystérieuses pour le gamin… Purement behavioriste, il finit par sentir l’expérience scientifique in vitro. Bercot se refuse -par bravade ou par facilité ?- à traiter des motivations de ses personnages (par exemple l’infantilisme de Marion) et à produire chez le spectateur une identification. On en vient à se demander ce que Marion trouve à ce garçon aux traits lisses, sans relief. Mais s’il échoue à rendre cinématographiquement la naissance de l’amour, on peut reconnaître à Clément un certain talent pour en filmer le délitement, par accumulation de micro-generation gaps. Cette réussite tient peut-être au fait que cet amour, on n’y a jamais vraiment cru…