Sans l’ami Dubosc, Cinéman serait probablement la pire croûte vue depuis Le Boulet. Avec lui et son petit burlesque maso, le second film de Yann Moix devient par instants presque drôle (Tarzan qui se coince un testicule dans son slip, ce genre de choses) sans pour autant atteindre les sommets de l’acteur le plus mésestimé de sa génération (Camping, Disco). L’idée originale de Yann Moix (dixit le générique) qui nous vaut cette ballade faisandée dans l’Histoire du cinéma est si bête et fière d’elle-même qu’elle relègue tout ce qui ailleurs serait susceptible de constituer un film – des acteurs, un scénario, une suite de scènes – au rang d’anecdote ou de détail. Restent un ramassis de répliques dramatiquement sur-écrites, pour la plupart suivies d’un silence de mort dans la salle, et quelques moignons de pastiches saucissonnés à la hâte de ce que Moix considère apparemment comme le cinéma avec un grand C (trois ou quatre souvenirs navrants de « La Dernière séance » qui se battent en duel, pour être précis). Quant aux rares éclats visuels de ce Cinéman, ils sont évidemment redevables aux seuls techniciens des labos Pathé, qu’on imagine avoir sué corps et âme durant de longs mois de postproduction pour parvenir à singer avec bonheur quelques tons, nuances, lumières des époques et genres revisités.

Où subsiste Moix dans ce film entièrement soumis à la réussite de ses effets spéciaux façon sous-blockbuster acidulé et nouveau riche ? Peut-être dans les scènes de gros nanar préhistorique avec Pierre Richard (Méphisto cabotinant comme un cochon en champs contrechamps), ou encore dans le personnage consternant de Pierre-François Martin-Laval (le superméchant du film, roulements d’yeux et rire de démon), mascotte officielle du minable franchouillard où aime tant à se rouler ce cinéma-là. Plus sûrement encore, la patte de Moix ressort de la misogynie et de la rancœur qui soufflent les personnages comme des popcorns, cette sécheresse tragique qui salit tout, faisant fatalement d’une femme fatale une poupée gonflable (le personnage inexistant de la pourtant aérienne Lucy Gordon) ou d’un personnage de clown une gargouille suante et houellebecquienne (Dubosc). Le film est si joyeusement odieux et concupiscent, si naturellement vulgaire – quand bien même il se refuse à tout excès pour mieux racoler à tout va – qu’il crée un certain malaise, pris entre sa volonté de benner le public avec ses millions et sa petite misère autarcique de base (le monde de triste sire de Moix qui suinte de partout : mépris, rancune, obscénité revancharde). Et comme si cette misère ne se suffisait pas à elle-même, Cinéman traîne un autre boulet : l’onction du maître BHL, fin connaisseur en matière de supernanar, à fumer de toute urgence avant de voir le film.