Il était une fois une mine galloise fermée par le gouvernement conservateur de la Dame de fer. Les mineurs auraient dû apprendre à ne plus travailler de leur corps à mille pieds sous terre mais leurs délégués syndicaux les ont poussés à en décider autrement. Chacun des mineurs de Tower Colliery a donc réinvesti en 1994 son indemnité de licenciement pour racheter une part de son outil de production. Quatre ans plus tard, l’expérience est une réussite qu’a observée attentivement une année durant le documentariste Jean-Michel Carré.

« Le jour où on a repris le travail, les gars chantaient au fond de la mine ». « Parfois je viens à la mine tôt le matin pour voir la pancarte où est inscrit Houillères de Tower, dernière mine profonde du Sud du pays de Galles et il faut que je me pince pour y croire vraiment, cette mine est à nous maintenant ! ». « Racheter, c’est ce que j’ai fait de mieux dans ma vie ! »… Tous les témoignages des mineurs concordent à faire du rachat de la mine par les salariés un moment idyllique, une utopie concrétisée ! Alors, comme dans tout conte de fées, ont-ils obtenu de belles augmentations et une incroyable plus-value ? Certes, les conditions de travail et de salaires ont été améliorées alors que le taux d’absentéisme atteignait un niveau inférieur record et que l’entreprise engrangeait des bénéfices. Jean-Michel Carré n’est pas là pour sanctifier un système en bloc mais plutôt pour en faire la radiographie. C’est donc les signes d’évolution, de « pérennisation » de Tower qu’il s’applique à traquer.

En premier lieu, la difficulté d’un fonctionnement démocratique. Chaque décision étant prise par vote à main levée lors d’assemblées. « Il faut persuader les gens lentement, c’est ça la démocratie. La démocratie, ça veut dire tout le monde y compris les salauds », avoue l’un des dirigeants. L’opposition au patron, pourtant désigné par les mineurs, est, elle aussi, inéluctable, notamment lorsque celui-ci, Tyrone O’Sullivan, souhaite développer la mine dans un sens plus « touristique » que purement industriel. « Il est toujours plus facile d’avoir en face de soi un ennemi bien visible. On se cherche toujours un ennemi et peut-être que, pour certains ici, c’est Tyrone O’Sullivan qui est en train de prendre cette forme ! » relève même celui-ci. S’il s’attache à détailler le mode de fonctionnement de la mine, Charbons ardents n’oublie pas de distiller quelques scènes d’humour. Par exemple lorsque la fiction interfère dans le réel : les mineurs se prennent lors d’un gala d’anniversaire pour les strip-teaseurs d’une comédie à succès… The Full Monty bien sûr !

Finalement Jean-Michel Carré fait le portrait d’un système qui oscille entre le grand rêve de réalisation du socialisme et le petit capitalisme privé qui peut aussi servir à faire pression sur les employés (vous êtes actionnaires alors venez travailler le dimanche sinon la mine va être en déficit…). L’enjeu est là : la fierté de posséder une part de son entreprise n’est-elle qu’un leurre supplémentaire ?