Emerveillement, toujours, lorsque débarque un nouveau film des studios Pixar. Admiration, sans bornes, pour les créateurs de ces univers parallèles : insectes, jouets, monstres, fruits de mer, superhéros, voitures. On se passe très bien de l’humain chez Pixar, et l’opération qui consiste à lui substituer une autre race n’est justement pas qu’une simple manoeuvre de remplacement. C’est plutôt comme si l’humain n’avait jamais existé, plutôt la création ex nihilo d’un monde entier, cohérent, historique. Il faut toutefois que ça fonctionne, vite, et qu’on oublie nos semblables. Dans Cars, comme dans les précédents films, en trois plans le pari est gagné. Et puisque l’humain n’a jamais existé, l’émotion véhiculée par les personnages n’est décidément pas de l’ordre de l’anthropomorphisme. Cars, ce sont donc des bagnoles, quelques camions, un troupeau de tracteurs pour figurer des vaches. Des yeux sur les pare-brises, des pare-chocs en guise de bouche. Les mouches sont de petites voitures. Monument Valley ressemble ici à un cimetière de Cadillac.

Flash McQueen (en v.o., la voix d’Owen Wilson, déjà c’est un délice), bolide de course de son état, doit traverser les Etats-Unis pour la finale du championnat. Il se perd en chemin et atterrit dans un bled désaffecté, le long de la route 66, où végète une poignée de voitures sans avenir. Condamné à regoudronner le bitume qu’il a labouré, il va apprendre, on s’en doute, l’amitié. Le scénario, c’est peut-être là où pèche le film, qui n’en fait pas l’égal d’un Monstres & cie, chef-d’oeuvre absolu. Monstres & cie était une incroyable machine théorique, qui racontait au détour de chaque plan le projet global des films Pixar, et l’idée même des mondes possibles. Cars se contente d’un scénario plus consensuel, moins tordu, l’éternel scénario de l’apprentissage des vraies valeurs de la vraie vie. Est-ce là les premiers symptômes du rachat par Disney du studio ? Peut-être. Il n’empêche que le film voit John Lasseter, maître à penser de cette nouvelle génération de films d’animation, revenir aux commandes. Et distiller sa folie créatrice, aussi bien que sa générosité, et son souffle : animer, cela veut dire apporter l’âme, comme un souffle qui parcourt et fait vivre un corps. Du pneuma stoïcien aux pneus de Cars, il n’y a qu’un pas.