Le meilleur du cinéma

La projection-événement des deux premiers épisodes de la saison trois de Twin Peaks fut l’occasion d’expérimenter le plus beau et le plus vivant des paradoxes temporels : vivre, en un bout de course festivalière, à la fois la plus belle des fins de film vues ici et le plus beau début d’une série télévisée. Comme si l’œuvre de Lynch revenait plus contemporaine que jamais, au cœur des remous qui ont agité cette édition cannoise sur le cinéma à l’heure du streaming sériel. Une raison, parmi bien d’autres, pour y revenir plus longuement demain.
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Malbouffe sur la Croisette

Le dernier long-métrage de François Ozon est double comme l’amant de son titre. Il y a, dans L’amant double, deux films possibles scindés à partir d’une même cellule, qui serait le corps de son actrice. Le premier, qu’on crut deviner aux premières minutes de projection, tournait sensuellement autour du visage de Marina Vacth, comme s’il ne pouvait se résoudre à quitter ses lèvres closes et son regard embué. Un film qui serait une étude et un manifeste, celui d’une actrice dont l’épiderme semble à même de porter tout un pan du cinéma français, ce pan qu’on croyait dissous dans le botox d’Adjani. Las, Ozon abandonne très vite cette surface sensible pour plonger en gros plan sur le sexe de son personnage, ouvert comme une épaisse béance symbolique par les branches d’un spéculum. Un plan qui signe moins l’origine du monde que la fin du film espéré, et le début d’un thriller psycho-sexuel. Soit un vertigineux tas de cochonnailles freudiennes, humées par Hitchcock, avalées par de Palma, mâchées par Polanski, dégluties par Verhoeven, puis ingérées par Cronenberg et Fincher, avant, finalement, d’être entièrement vomies par Jean Girault.
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Un vampire

L’année dernière, Pedro Almodovar faisait pleurer la Croisette avec Julieta, un mélo aux doigts de fée qui tricotait sur deux décennies le destin tragique d’une mère à la recherche de sa fille, partie sans laisser de traces. Surtout, on y faisait la découverte d’une actrice sensationnelle, Emma Suarez, qu’on retrouve cette année dans Les Filles d’Avril. Il ne nous en fallait pas plus pour être bizarrement impatient de voir un film de Michel Franco, pas franchement un chouchou (Después de Lucía, Chronic, deux machines à baffes hanekiennes). On est d’autant plus ravi de retrouver l’actrice aussi vite à Cannes, que Les Filles d’Avril entretient un dialogue saisissant avec le film d’Almodovar : Avril, son personnage, se présente comme une sorte de jumeau diabolique de Julieta – son négatif pervers et insondable. Emma Suarez joue à nouveau une mère, et même une grand-mère : sa fille, mineure, vient en effet de tomber enceinte, et décide avec son petit ami de garder l’enfant. Un choix et un accouchement qui s’effectuent sous la protection bienveillante de sa mère célibataire, en apparence comblée par la situation. Et pourtant, à travers des remarques et empressement déplacés, quelque chose de malsain s’enracine dans les recoins de ce tableau familial faussement apaisé, avant qu’Avril ne passe à la vitesse supérieure en subtilisant l’enfant et le petit copain de sa fille. La patte de Franco, roublarde mais redoutablement efficace, met un bémol à son moralisme amer pour s’épanouir sur le terrain plus modeste du thriller domestique. Les rouages de cette subtilisation en forme de vampirisation (il s’agit, littéralement, de voler la vie de quelqu’un) s’emboitent de façon presque invisible, le mexicain continuant de livrer la cruauté du monde à son absence d’explication. On reconnaît, pour le meilleur, cette manière de soustraire les motivations de ses personnages à toute assise psychologique, comme si chacun d’eux était une vitre sans tain. De quoi enterrer provisoirement la hache de guerre avec Franco (mais vu sa relégation à Un certain regard et le maigre enthousiasme des festivaliers pour son film, on craint qu’il ne renfile bientôt le costume de Père Fouettard), et continuer de scruter avec attention la filmographie d’Emma Suarez.
LB

Chronic’art recrute #saison 3

Coup de théâtre, et signe de la fin des clivage de l’ère Macron: Julien et Eric sont côte à côte sur la première marche du podium.

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1 commentaire

  1. Vous choisissez la plus belle des images de ces deux heures de Twin Peaks pour illustrer l’article… Je vous adore.

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