Avec OSS 117 et maintenant ce Camping, il semblerait que la comédie à la française redresse la barre ces derniers temps. Plus qu’un heureux hasard, ces films sont justement tout le contraire : minutieux, soignés, ils avancent sans sourciller, sûrs de leur charpente. Evidemment, Camping est bien moins raffiné que le film de Michel Hazanavicius, moins ambitieux aussi, mais sa sérénité et son souci du détail lui permettent sans mal de ré-oxygéner le genre moribond de la comédie sociologique, ce qui n’est pas un mince exploit. Camping doit autant à la main imperturbable de Fabien Onteniente, sorte d’enfant naturel de Jean Girault (la série des Gendarmes à St-Tropez) qu’à Franck Dubosc, signataire du scénario et d’une prestation de comédien soufflante.

C’est lui qui transcende ces Bronzés bis, réduits aux profils post-Splendid les plus plats. Il y a le couple de retraités qui vient tous les ans camper sous le même palmier, les beaufs nantais sans âge et un tandem de petits roquets minables, l’un vaguement producteur, l’autre sûrement Miss Camping à mèches blondes. Et puis il y a Dubosc alias Patrick Chirac, formidable personnage de comédie, un mini film à lui tout seul entre Popeye cuvée seventies et le fleuron des Poelvoorde films période Ghislain Lambert. Sa performance est d’autant plus troublante qu’elle n’augure aucune promesse de carrière : Dubosc se donne entièrement à Patrick Chirac sans rien attendre en retour, il l’habite jusqu’au moindre détail comme un personnage de scène, sacrifie tout pour lui donner le maximum de relief comique. Ce travail est d’abord graphique : les tee-shirt ridicules qu’il arbore tout au long du film reviennent savamment au fil des scènes comme pour marquer le temps qui passe et la ringardise géniale du personnage (« J’aime le Cotentin » pour la plage, la chemise de Formule 1 bariolée de sponsors pour les soirées).

Puis l’ironie affectueuse qu’il distille avec un doigté impressionnant : il y a chez lui un engagement tel à partager les tares et les souffrances de Patrick qu’à la caricature se mêle un curieux exercice d’autodérision mi narcissique mi kamikaze. Au point que le film s’en trouve totalement irradié : pas un plan, pas une intrigue ne souffre de l’absence de Dubosc, bien que celui-ci soit totalement seul et méprisé de tous. Et c’est bien la force du film : faire une confiance aveugle au potentiel dramatique du panel du camping, à la galerie d’interprètes qui l’incarne. De cette bonhomie de principe se dessine la sociologie du film, plus cruelle et émouvante que le monde qu’il est censé représenter. Pour Onteniente, un bourgeois snob du 16e, c’est Gérard Lanvin, Antoine Dulery ne sera qu’un second rôle insipide et Dubosc un magnifique SDF du rire, un acteur mono-personnage aussi seul que généreux.