Marc Stevens chanteur de charme tournant dans les maisons de retraite tombe en panne un soir d’hiver près d’une auberge désaffectée. Le samaritain qui va l’héberger n’est pas si bon que ça. Il va séquestrer le néo-Jack Lantier, convaincu qu’il est sa femme qui l’a quitté quelques années auparavant.

Calvaire oscille régulièrement entre exercice de style et tonalité très personnelle. Mais surtout entre style et substance. Ce parcours topographique reliant Delivrance à Massacre à la Tronçonneuse, Psychose aux Chiens de paille est fasciné par ces modèles qu’il cite en filigrane, mais sans se limiter à leur façade shocker. Calvaire ne serait qu’un film « à la manière de », il serait déjà oublié comme de nombreuses séries B de copistes sans âme, façon Haute tension d’Alexandre Aja. DuWelz gratte les carreaux des classiques qui l’ont inspiré, pour aller piocher dans le stock commun à toutes leurs arrière-boutiques : le portrait d’un malaise d’époque. Une part d’héritage psychanalytique des Hooper, Boorman, Peckinpah et autres influences. Comme eux Calvaire dissimule sous une écorce de provoc’ un regard biaisé sur le monde. En l’occurrence sur la confusion dans les rapports amoureux. Selon DuWelz, la bestialité prend aujourd’hui le dessus sur l’humain, réduisant les corps à de simples objets fonctionnels. Une théorie accouplée brutalement aux codes du survival en milieu rural dégénéré : ici, on se fait sucer par des veaux et on déclare sa flamme avec un fusil de chasse chargé à portée de main.

Dans Calvaire, les instincts, les pulsions deviennent l’unique moteur des actes et des gestes. La mise en scène rejoignant l’imprévisibilité des personnages par des visions surréalistes disséminées tout au long du film (l’ADN culturel belge du cinéaste ?), comme cette scène de danse dans un bar ou cette poursuite finale frisant l’abstraction graphique. Pareils éclats préservent Calvaire de l’anecdotique comme de la gratuité et procurent au film une dimension supplémentaire lui évitant de n’être qu’un simple film de genre bourrin. DuWelz sème ici et là quelques indices clairs (entre autres un ahurissant plan à travers un pare-brise indiquant sans appel qu’on vient de traverser un miroir) mettant sur la piste du véritable propos du film : la capacité de l’Homme à redevenir un être primitif et brutal. A ce titre, DuWelz rejoint avec son premier film une frange de cinéastes, Gaspar Noe, en tête, auteurs dissimulant sous l’alibi d’une contre-culture leur profonde inquiétude face à leurs congénères toujours plus proches de basculer dans la sauvagerie.