Après avoir adapté à l’écran le très beau roman de Fernando Vallejo, La Vierge des tueurs, Barbet Schroeder revient au genre qui a fait son succès à Hollywood, le thriller. Mais, une fois de plus, Schroeder parvient à déjouer la commande pour nous livrer un polar bien ficelé et superbement torturé. Car ce qui importe le plus dans Calculs meurtriers, ce sont moins les meurtres et leur fameux Whodunit que la personnalité de leurs auteurs et le cheminement psychologique pour arriver à l’horreur Pas étonnant que l’un des modèles du film soit l’admirable De Sang froid de Truman Capote avec qui il partage la même distance implacable et glaçante.

Contrairement à la plupart des productions américaines, Calculs meurtriers cultive la complexité des caractères et des situations décrites. Les méchants n’ont pas l’air méchants et les justiciers ne sont pas vraiment sympathiques à l’instar de Cassie Mayweather (Sandra Bullock, surprenante de retenue), inspecteur revêche qui adopte les manières « couillues » de ses collègues pour se faire respecter, abuse de son nouveau co-équipier pour le jeter hors de son lit après consommation. Mais Cassie possède le flair d’un bon flic, ce qui va la conduire sur la piste des auteurs de l’horrible meurtre dont elle est en charge, en l’occurrence celle de deux jeunes lycéens. Barbet Schroeder installe alors un intriguant jeu du chat et de la souris entre l’inspecteur et les présumés coupables, dispositif qui devient passionnant grâce à l’épaisseur psychologique des personnages. En plus d’une intrigue bien menée -et pourquoi pas plausible- Schroeder aime à troubler la vérité, à teinter chaque événement d’un parfum de non-dit ou de refoulé comme l’étrange lien qui unit les deux camarades de classe, mélange d’homosexualité latente, d’admiration et de haine contenue.

Jusque là impeccablement tenu, Calculs meurtriers balance pourtant dans le thriller de mauvais goût avec un dénuement complètement aberrant au regard de ce qui a été développé auparavant. La suggestion laisse place à la pure action dans une absurde scène de course-poursuite censée être spectaculaire (mais les effets numériques sont vraiment trop dégueulasses) au cours de laquelle Sandra Bullock redevient Sandra Bullock, l’héroïne de blockbusters survitaminés. Malgré ces voies vulgaires qui fleurent bon l’opportunisme -réveiller le spectateur lambda éventuellement déconcerté par tant de complexité-, Calculs meurtriers est un honnête film noir qui plaira aux amateurs du genre.