Dans la foulée de l’influence du cinéma populaire indien, le film de mariage ou de fête familiale est une spécialité du cinéma du Moyen-Orient, spécialité à laquelle n’échappe pas le cinéma israélien mainstream. Voilà au moins une raison pour aimer Cadeau du ciel : sa manière de se couler dans ce moule un peu érodé, prétexte souvent à un académisme fastoche, pour en tirer une matière bien plus radicale que la moyenne. L’histoire est celle de collègues bagagistes à l’aéroport de Tel-Aviv qui décident de monter un coup : dérober une fois les caisses de diamants qui débarquent chaque semaine, très discrètement, d’un vol venu d’Afrique.

Le film use de cette intrigue de polar sans y toucher, à distance, pour en faire le fil d’un récit essentiellement néoréaliste : la chronique de vies un peu minables, celle d’une petite communauté de Géorgiens qui se déchirent entre problèmes d’argent, de rivalités entre familles et voisins, d’adultères ou de dettes. Mouvement connu qui ici trouve une respiration propre, due tout d’abord à la précision remarquable de la mise en scène de Kosashvili. Non seulement les portraits sont brossés avec brio et concision, mais ils dépassent toujours la menace du panel sociologique et du cliché : cela vient de la froideur qui résiste sous la fausseté truculente et sensualiste (quelque chose de sec et de dur, à l’image du personnage violent et retors du père), mais aussi à un goût évident pour un baroque sentimental exsangue et volontiers agressif : la sexualité y est omniprésente, explosive malgré son aspect rentré, surgissant dans une démesure souvent brutale sèche (la scène d’arrivée chez l’infirmière). Malice qui glace, faux cinéma petit bourgeois : Cadeau du ciel ne se présente pas comme un film aimable, et c’est sa force.

Sous cette pression, cette dureté, le film résiste moins aux clichés qu’il ne les fait exploser un à un. Logique dès lors que la plus grande et la plus belle séquence de Cadeau du ciel soit celle du mariage, vers la fin. Toutes les habitudes y sont plus ou moins tronquées, faussées (le mariage lui-même est arrangé), sans pour autant que la scène n’échappe à ce que l’on attend d’elle : resserrer d’un coup tous les enjeux du film pour les faire éclater. Il y a là un beau paradoxe entre retenue et expressivité baroque, une manière très perverse de jouer avec le contour ou la déviation pour toujours revenir vers la ligne droite du récit. Les films de ce genre manquent. Son impolitesse joyeuse et charnelle, sa violence de fond suffisent à faire de Cadeau du ciel une touchante anomalie dans le lisse paysage des sorties « world ».