Alors qu’on le croyait cantonné aux complexes multipsorts de la West Coast, Jason Statham est de retour à Londres. Pas question toutefois de rejouer les magouilleurs de banlieue à la Guy Ritchie : l’escogriffe conserve son aura d’athlète sous taurine, confronté ici à un tueur de flics qui terrorise la City. A nouveau dans le sillage de Dirty Harry, Statham (ou « un inspecteur aux méthodes atypiques », selon le pitch officiel) ouvre les hostilités à la batte de base-ball, resservant une gonflette réac’ dont il a tant usé qu’elle n’amuse plus grand monde. Mais, peu à peu, les intentions du film s’éclairent : du flicard macho au psychopathe clownesque, tout le monde est là pour surjouer sa partition, et livrer en filigrane une caricature flegmatique, voire un peu camp, du thriller yankee à consommer sur place.

A ce petit jeu des miroirs déformants, Statham s’avère plutôt doué. Flanqué d’un coéquipier queer à l’anglais châtié (Paddy Considine, qui incarne bien sûr son exact négatif), l’intéressé grossit ses traits avec acuité, enchaînant vannes sexistes et whiskys sifflés cul-sec. Le tandem évolue ainsi dans une enquête de pacotille, piétine et se bouscule comme dans un pastiche musclé de Francis Veber. Tout en suivant un cahier des charges très balisé, la grammaire visuelle se prend au jeu : le découpage s’autorise des petits détours moqueurs, s’amusant des disparités des deux larrons via quelques subtilités du champ-contrechamp, et distille anarchiquement une ultraviolence incongrue. Le pari consistant à transformer le polar en bidule Grand Guignol, mais sans jamais avoir l’air d’y toucher.

Bien conscient de son ambition limitée, tout le film s’accommode de cette liberté loufoque et très british, comme pour compenser les énormes ficelles de sa narration. Clairement, il s’agit d’une modeste invitation au « plaisir coupable », coulée dans un moule hollywoodien qui, parfois, pique les yeux. Du pas grand-chose donc, mais savoureux, dont on se réjouit surtout parce que Jason Statham démonte enfin sa mécanique implacable d’action hero sclérosé. Mieux vaut tard que jamais.