Auteur de nombreux courts métrages (Grève au pays des nègres blancs, Jean l’homme nu dit le Baptiste…) et d’un long (Stabat mater) encore inédit, Dominique Boccarossa réalise des films depuis 1983 dans la plus grande indifférence. La sortie en salles de Bleu le ciel, son deuxième long métrage, est l’occasion de faire la connaissance de ce cinéaste que l’intransigeance du travail maintient loin des faveurs du grand public.

Il est peu de dire que Bleu le ciel ne joue pas dans le registre de la séduction. L’austérité de son sujet -le combat au quotidien d’un exilé kurde en France- et son dispositif cinématographique ascétique maintiennent tout du long une distance avec le spectateur qui ne parvient que très rarement à s’émouvoir devant les mésaventures de Kérim. Le cinéaste ne cherche pas l’empathie du public et semble même faire son possible pour l’éviter. Narration fragmentée balançant sans cesse entre présent et passé, dialogues raréfiés, décors épurés et chargés d’une lourde symbolique, le film de Boccarossa fait partie de ceux qui « cherchent », quitte à perdre une partie de leur auditoire en route. Bleu le ciel commence assez abruptement sur une bagarre dont les enjeux ne nous seront dévoilés que vers la fin. C’est ce moment que choisit le cinéaste pour sortir un corps de l’anonymat, Kérim, et nous en raconter l’histoire. On suivra donc le parcours de ce jeune Kurde, ses boulots de plongeurs peu ou pas payés, sa misère sexuelle et son mal être.

Bleu le ciel tente de reconstituer une expérience sensible à partir du point de vue de son héros. Rien n’est neutre, ni laissé au hasard dans la mise en scène qui essaie de se rapprocher, par le biais d’un univers poétisé à l’extrême, de son sujet pour en partager les turpitudes. On appréciera les moyens détournés, notamment les interventions calculées de la parole et de la musique, qu’utilise le cinéaste pour éviter une dramatisation facilement pathétique. Pourtant, à force de rigorisme et de sobriété, la réalisation de Boccarossa finit par enfermer son héros dans un système clos et étouffant qui peine à rendre crédible la fin optimiste du film.