Présenté dans la collection « Contes de la Chine moderne », Beijing bicycle entend nous faire découvrir les réalités de ce vaste pays à travers un récit à valeur de fable morale. Honorable ambition malheureusement galvaudée par une trop forte complaisance vis-à-vis des symptômes de la pauvreté saisis par le long métrage de Xiaoshuai. Beijing bicycle exploite ainsi à fond le filon du misérabilisme en surexploitant un scénario qui emprunte beaucoup au Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica. Alors que Guei vient de se faire embaucher dans une entreprise de coursiers à Pékin, il se fait voler le vélo qu’on lui a prêté et qui lui sert de principal moyen de locomotion. Quelques jours plus tard, il retrouve sa bicyclette détenue par un étudiant pauvre qui l’a achetée d’occasion au marché. Les deux adolescents devront alors apprendre à partager l’engin. On voit bien où veut nous emmener l’histoire imaginée par Xiaoshuai qui nous démontre, exemple à l’appui, les effets pervers de l’indigence. Ceux qui en souffrent se battent comme des chiffonniers et l’espoir d’une solidarité dans la misère n’est guère plus qu’une illusion.

Le cinéaste ne fait pas dans la finesse quand il s’agit de montrer la valeur d’un vélo dans la Chine d’aujourd’hui : courses-poursuites interminables pour récupérer l’objet tant convoité, crise d’hystérie pour le garder, etc. De là, l’impression gênante pour le spectateur qu’on force son empathie pour les héros du film à grands coups de rebondissements dramatiques. Beaucoup plus convaincants, les interstices de l’histoire sont autant de percées dans le documentaire dans lesquelles la réalité s’engouffre sans avoir à revêtir les oripeaux de la fiction schématique. C’est là qu’apparaît au détour de certains détails l’écart vertigineux entre la campagne et la ville déjà au cœur du précédent film de Xiaoshuai, So close to paradise, ou encore le fossé entre Pékin, métropole contemporaine, et les quartiers anciens aux toits traditionnels. Quand le cinéaste ne plombe pas l’action d’effets « mélodramatisants », le visage d’une « Chine moderne » se laisse enfin entrevoir…