Entièrement construit autour du tempérament comique de Fabrice Luchini, mécanique de précision aux effets garantis, qui s’autorise ici un numéro de comédien aussi décontracté et débridé qu’est subtil et bouleversant son art quand il interprète sur scène les textes des plus grands, le premier film de Bruno Chiche reprend la tradition française du vaudeville et tente d’en proposer une version plus actuelle, agrémentant le duo classique « épouse trompée, maîtresse ingénue » d’un piment homosexuel de plus en plus « tendance ».

Pour échapper à la monotonie d’une vie installée avec femme et enfant, Barnie, antihéros cinquantenaire, a donc pris maîtresse et amant, profitant d’une navette professionnelle Calais-Londres pour justifier auprès de l’épouse fidèle les obscurités éventuelles de son emploi du temps. Une fois posée cette situation initiale, le réalisateur confronte son personnage au méli-mélo de ses sentiments et de ses goûts sexuels, l’engrenage des quiproquos et des coups de théâtre -conséquence des bévues de Barnie- provoquant les « petites contrariétés » du titre, c’est-à-dire la révélation progressive de sa triple vie. Si la comédie de Chiche assume pleinement le parti pris du boulevard, développant un comique de situation qui permet aux comédiens de s’en donner à coeur joie dans la surprise –Comment ? vous ici ?– ou le malentendu -savoureuse scène où Barnie remercie sa femme de tolérer ses fautes alors qu’elle ignore tout-, elle manque singulièrement d’une construction qui permettrait à toute la matière scénaristique d’apparaître autrement que comme une suite aléatoire de scènes plus ou moins drôles, entièrement vouées à l’énergie des comédiens (qui n’en manquent pas).

C’est que le vaudeville a ses exigences aussi et qu’il finit par ennuyer quand il n’est que la mise en forme de recettes connues de tous. A ce titre, le film de Chiche prend un sacré coup de vieux, rappelant le pauvre cinéma français des années 1950, cinéma de « vedettes », cinéma de « jeunes premières », chroniqué dans Ciné-monde et flattant le goût moyen du public avec des histoires bien ficelées aux accents faussement sulfureux. Retour en arrière donc. Cinéma vite vu et vite oublié de la comédie « légère et sans prétentions ». Tout le régime moyen du cinéma (surtout français).