« Où sont les femmes ? », s’interroge la fiction américaine, en pleine overdose de bros aux rires gras. Question logique, résolue dernièrement avec classe par Damsels in distress : pendant que les gars philosophent devant la Xbox, les filles s’arrangent entre elles, inventent un monde farfelu, virent elles-mêmes un peu braques. Le film tape juste en contournant la conversion brute masculin/féminin : avec sa folie inédite, Greta Garwig se rapproche du héros andersonien tout en en faisant plus qu’un simple Owen Wilson en jupette. D’autres, comme Bachelorette, voient le problème en termes de revanche, en voulant prouver que le vestiaire des filles peut rivaliser en potentiel destroy : chez les copines aussi, ça pulse, ça pue, c’est rock n’roll. Sous couvert de féminisme, on s’en va donc fouiller dans la comédie couillue pour trouver le pendant de Very bad trip, dont Bachelorette est à peu près le remake Tampax. Le décalque est mathématique : enterrement de vie de garçon = soirée pyjama entre demoiselles d’honneur ; panade de lendemain de cuite = pépin de couture avec la robe de mariée.

Si l’ensemble tourne court, c’est que cette envie furieuse de battre les hommes sur leur terrain revient ici à les singer benoîtement, comme un parent pauvre tente d’égaler son modèle. Il faut voir l’idée sommaire de la condition féminine qui est figurée par cette nuit calamiteuse (tracas de shopping, de poids, de fiancé, de mascara), qui réduisent les trois pimbêches à leurs minuscules enjeux de fillettes attardées. Très loin de matérialiser une vérité dérangeante (c’est le pari, partiellement tenu, de la série Girls), ces filles-là dessinent la vision chimérique que les encravatés patauds, dans le film, se font d’une jolie trentenaire bourgeoise : il faut voir, aussi, cette scène où Lizzy Caplan, déboulant par erreur dans les loges d’un strip-club, passe pour une nouvelle recrue auprès des danseuses.

Il y a donc un malentendu entre Bachelorette et la « bromance » dont il croit tenir. Cette dernière voit dans l’inertie hébétée du mâle un graal existentiel, universel, qui transcende largement la masculinité : la maturité. De même, l’hyper-féminité rose bonbon des Damsels in distress rend celles-ci pathétiques, sinon malades : le film en fin de compte ne parle pas de féminité, mais d’excès. Ici, être mature, c’est quelque chose de plus terre à terre. Pour le dire vite : se trouver un Jules, savoir le tenir. Ce petit jeu de miroir avec les dilemmes masculins débouche en outre sur un constat tiédasse : dans la vie, faites la folle, mais avec modération. Le machisme simplet de l’ex de Kirsten Dunst est condamné sans appel, mais quand la blonde s’envoie le bellâtre aux WC, celle-ci est punie pour sa désinvolture et passe pour une amie indigne. Un pied dans le féminisme, un autre dans la morale moisie : le girl power attendra.