Je les entends déjà, les rires condescendants, ceux des sceptiques qui pensent pouvoir juger d’une œuvre sans l’avoir vue, ceux des imbéciles qui ne se fient qu’à leur petit univers sensoriel. Eh bien il faudra les faire taire, car malgré les apparences (qui, il est vrai, ne jouent pas en sa faveur), Babe 2 est un bon film. Le problème majeur des films pour enfants est, soit qu’ils visent trop haut (Imuhar), soit trop bas (Asterix et Obelix). Les premiers désirent satisfaire l’ambition parentale, les autres, l’hystérie enfantine. Babe 2 ne déroge pas à la règle et tente d’atteindre ces deux objectifs, mais là où certains s’embourbent dans des chemins de plus en plus obscurs, Babe 2 réussit à rester ludique sans sombrer pour autant dans la débilité profonde.

Babe 2 reprend exactement là où se terminait le premier : Babe réussit à devenir cochon de berger, à la plus grande joie de son « patron », le fermier Hogget. Mais bien évidemment, le drame arrive et le fermier est victime d’un accident provoqué par son cochon. Incapable de s’occuper de la ferme, il laisse celle-ci à la proie de maléfiques financiers. Une seule solution : exhiber dans une foire le cochon fétiche devenu un véritable phénomène. Le fermier étant immobilisé, c’est Mrs. Hogget qui conduira le cochon au gala. Mais la brave femme ratera sa correspondance à cause d’un ridicule quiproquo et restera coincée dans une mégapole des plus hostile. Là, Babe n’aura plus qu’à s’adapter à ce nouvel univers.
Il y a dans Babe 2 une volonté (des plus louables) de ne jamais représenter des lieux existants : ainsi la ville en question est un improbable mélange de plusieurs capitales mondiales. C’est la Ville et non une ville, d’où une inquiétante population : Mickey Rooney en clown décrépi, un chien mutilé, un singe sénile, une chorale de chats… Mais cette singulière galerie ne constitue pas la seule originalité du film, car chacun des personnages vit : ainsi, le chien estropié a une expérience post-mortem où il se voit gambader avec des papillons, le vieux singe croit voir son défunt maître partout, le violent pitbull apprend le pardon. Et Babe se lance à corps perdu dans les situations les plus hasardeuses sans hésiter une seule seconde, avec la certitude d’être compris.

Pour oser exposer la tristesse et la frustration sous les traits d’animaux rendus humains par un ordinateur, il faut une certaine confiance en soi. Et c’est peut-être parce que l’incongruité de telles scènes n’est jamais soulignée que celles-ci fonctionnent si bien. Quant à Babe, il reste ce héros parfait, ni courageux, ni malin, ni fort, et qui constate la situation, comme rendu hagard par tant de folie.