Eté 2003. Arnold Schwarzenegger suit la caravane du Tour de France pour faire la promo de Terminator 3. A moins qu’il ne soit déjà en campagne pour le poste de gouverneur en Californie. Aux questions vaguement encombrantes qu’on lui pose lors d’une conférence de presse à Toulouse sur le film (« Vous trouvez que l’héroïsme aujourd’hui consiste à exploser la tête d’une femme sur des chiottes ? Dans vos derniers films, vous vous êtes battus avec le diable puis avec un clone de vous-même. Seriez-vous votre pire ennemi ? »), il botte en touche laissant ses producteurs répondre. A en croire Alex Cooke, la réalisatrice de ce documentaire, il aurait procédé de la même manière pour gagner l’élection californienne, qui a des airs de théorie du complot : un député républicain, Darrell Issa aurait ressorti une vieille loi pour virer le démocrate en poste Gray Davis. Issa n’imaginait sans doute pas qu’il allait devenir le Mr Loyal malgré lui d’un incroyable cirque. 130 candidats se sont présentés pour le poste. Parmi eux, Mary Carey, une ancienne star de porno, Gary Coleman une des deux vedettes d’Arnold et Willy, un avocat prônant la libéralisation du Cannabis, un joueur de golf…

Curieusement ce sont eux qui sont au coeur du docu de Cooke et pas Schwarzie. Ce sont eux qu’on voit le plus au travers d’extraits d’émissions et jeux télés plus abracadabrants les uns que les autres. Logique, il ne s’agit pas ici d’un documentaire sur l’ascension du bodybuilder autrichien, mais sur la fascination américaine pour la célébrité, pour les images. Et c’est ce qui reste le plus fascinant dans ce film où la politique est plus devenue une affaire de show que de business. Ainsi, la prestation hallucinante de Maria Shriver, madame Schwarzie à la ville, mais surtout à la scène où elle se lance dans un incroyable numéro de stand-up comedy pour faire cracher au bassinet les femmes des hommes de pouvoir de l’Etat. Arnold est moins bon quand son programme se résume à des saillies populistes sur les impôts ou sur l’immigration. Où quand il doit se défendre sur les attaques à propos d’un passé prétendu de queutard sexiste.

Cooke, elle, est moins bonne en laissant de côté le décorticage du système politique US pour celui du système des médias américains. On peut supposer que ce docu aurait été plus probant s’il avait été réalisé par une Américaine plutôt que par une Anglaise mandatée par la BBC. Même involontaire, la distance induite par la voix off de Cooke la fait se prendre à son propre piège, via un regard un peu trop condescendant (« This is democracy American style. Here, money talks »). Finalement, Arnold à la conquête de l’Ouest se perd dans cette ironie trop marquée, ne balisant plus son territoire entre moquerie un rien hautaine et dépiction d’un monde politique tragique. A se demander dans quelle mesure Cooke ne livre pas le parfait contre-exemple de son sujet en mettant elle-même en avant la forme par rapport au fond.