Dans les années 50, sévissaient à Hollywood des films paranoïaques basés sur le thème de l’erreur conjugale, et identifiables par leur titre hautement évocateur, de J’ai épousé un extraterrestre à J’ai épousé un communiste. En cette fin de siècle, les Américains semblent avoir reporté leur angoisse sur un autre partenaire du quotidien : leur voisin. Arlington road pourrait ainsi inaugurer la série des « mon voisin est… », dont le premier épisode s’intitulerait : « mon voisin est un terroriste ».
Effectivement, l’histoire du film de Mark Pellington repose sur la méfiance à l’égard des apparences, qui sont forcément trompeuses, et la peur de l’autre. Cette fois-ci la question qui les traumatise est donc : « connaît-on vraiment son voisin ? ». Si l’on en croit le réalisateur, non. A l’occasion d’un accident, Michael Faraday (Jeff Bridges) fait la rencontre de son nouveau voisin (Tim Robbins), architecte prospère et père d’une famille modèle. Les deux hommes sympathisent, ils s’invitent à leur barbecue de voisinage respectifs, et leurs fils deviennent inséparables. L’idéal américain en somme ! Seulement, Michael, dont la curiosité l’a poussé à regarder en douce les plans de travail de son nouvel ami, s’aperçoit que ce dernier lui a menti sur ses dessins. De fil en aiguille, il va découvrir qu’il travaille pour une organisation terroriste.

Si Arlington road appartient au genre du thriller, il n’en présente malheureusement pas les qualités : le rythme poussif s’étire sur deux longues heures, les dialogues pseudo psychologiques sont trop nombreux et toujours aussi naïfs (du style « on a tous besoin d’amis »), enfin l’ensemble manque d’inventivité et repose sur des situations archi visitées. Et bien sûr, la morale de l’histoire apparaît douteuse puisqu’elle légitime la curiosité malsaine de Michael, et lui donne le droit d’aller fouiner chez son voisin ; son hypothèse se révélant juste après coup. On imagine bien l’Américain moyen, gavé de ce genre de théories paranoïaques, suspecter son voisin d’en face, avec tous les débordements consécutifs qui sont susceptibles d’en résulter. L’Amérique a du mal à se remettre des attentats dont elle a été récemment victime (Waco, Oklaoma city, Ruby ridge…), malaise dont témoigne l’hypothèse émise à la fin du film. Le pays serait en fait la proie d’une organisation de fanatiques mécontents, prêts à faire sauter n’importe quel bâtiment public. Bref, n’ayant plus d’ennemi à sa taille à l’étranger, l’Amérique se replie sur elle-même, et se crée un ennemi national.

Rien n’est vraiment nouveau dans ce film qui ne réjouira même pas les adeptes du genre. Si ce n’est le générique du début : une sorte de court métrage expérimental comparable à celui de Seven. Vraiment angoissant pour le coup, à l’inverse du film !