Le titre français de cette énième comédie romantique est trompeur, trahissant de façon éhontée la vérité d’une production sans saveur ni le moindre piquant. Unconditional love (amour sans réserves) risquait sans vergogne la version originale, reflet beaucoup plus juste de ce film dégoulinant de puritanisme post-11 Septembre. Tous les poncifs du genre s’imbriquent dans un imbroglio des plus vague : l’homo-bien-dans-sa-peau-mais-sensible (Rupert Everett, qui décidément ne quitte plus son rôle fétiche), le couple fatigué de lui-même en quête de nouvelles sensations, les trois soeurs (trop) anglaises qui refusent d’admettre l’homosexualité de leur défunt frère, le serial killer sevré d’amour maternel, le chanteur aux tempes grisonnantes et son sourire publicitaire aux allures d’ersatz de Michel Sardou…

Le problème de cette comédie romantique est de n’être ni drôle ni romantique et de naviguer à vue, sans véritable but, entre satire sociale et comédie d’espionnage. Les gags tombent à plat et la plupart des scènes se noient dans un océan de clichés qui n’épargnent pas, loin s’en faut, les homosexuels. Amours suspectes est une comédie triste, sinistre, car elle ose se prendre au sérieux. Hogan, déjà coupable du Mariage de mon meilleur ami, ne se met jamais en danger, pas plus que ses comédiens, alors que c’est pourtant le credo de leurs personnages et de l’idéologie véhiculée tout au long du film : « cherchons le sens de notre vie, cherchons à exister » et autres ridicules sensibleries qui culminent lors d’un grotesque happy end consacrant un adage convenu (mêmes les gens les plus ordinaires peuvent devenir des stars). Malgré une direction artistique (décors, costumes) assez intéressante, le film souffre de sa musique sirupeuse (et pourtant, le casting était grandiose : Irving Berlin, Rodgers et Hammerstein, Burt Bacharach…) et d’une mise en scène académique et paresseuse.

Seuls l’absurde et la fantaisie pouvaient sauver ce genre de comédie. Et si l’ombre des Monty Python plane sur quelques scènes véritablement réussies, c’est de manière beaucoup trop brève et allusive, comme lorsqu’apparaît en guest-star une Julie Andrews qui prend à l’évidence un malin plaisir à se moquer d’elle-même. On pense alors aussi, un bref instant, au film de Billy Wilder, Embrasse-moi, idiot, où Dean Martin dévoyait avec brio et finesse son image publique de séduisant crooner. Mais évitons de s’apitoyer sur ce que le film aurait pu être, puisqu’il ne l’est pas (sait-il d’ailleurs vraiment ce qu’il est ?). Peu importe : il s’en moque, et nous aussi.