Ratage total. Moins parce qu’Agathe Cléry est, en soi, un très mauvais film, un pur ratage industriel (il l’est de bout en bout, rien ne marche, l’écriture est faible, la mise en scène inexistante, les parties chantées catastrophiques), que parce que sa matière semblait constituer une aubaine pour le cinéma de Chatiliez. Agathe Cléry, directrice marketing d’une grosse boîte de cosmétiques, est blanche et raciste, et devient noire à la faveur d’une pathologie orpheline. Sujet parfait pour Chatiliez, puisque le motif unilatéral de son cinéma tient, depuis le début, dans le principe d’une incarnation contradictoire (un fils de prolos se révèle fils de bourgeois dans La Vie est un long fleuve tranquille, une mamie angélique cache une peau de vache dans Tatie Danielle, des parents poule se transforment en père et mère Fouettard dans Tanguy). Faire muter un stéréotype, le retourner en un stéréotype contraire, c’est un tel principe qui lui a valu ses galons de satiriste et décrypteur roublard de l’époque. L’argument de la métamorphose, ici, lui offrait de convertir sa marotte en un principe de mise en scène, lorgnant vers la grande comédie américaine – au pif : le Dans la peau d’une blonde de Blake Edwards. Qu’il soit affaire de tégument semblait d’autant plus savoureux de la part d’un ex-pubard, roi de l’emballage et expert en coquilles vides.

D’où l’impression, au début du film, que Chatiliez est sur la bonne voie, notamment quand il croque frontalement l’appareil marketing où il a fait ses gammes : que les parties chantées en entreprise visent moins la comédie musicale classique que les spots eighties pour Eram est une intention plutôt bonne, et, d’une certaine manière, un commentaire sur l’époque plus judicieux que ses précédentes tentatives. Le fake, la surface, semble donc un temps le vrai sujet d’Agathe Cléry, confirmé par l’autre bonne idée du film, qui est une idée de casting : maquillée, Lemercier ne ressemble pas à une Noire mais seulement à une Blanche grimée, façon blackface. Et c’est là, précisément, que Chatiliez loupe le coche. Au lieu de faire de la métamorphose une rupture, un moment de bascule comique (Dans la peau d’une blonde, again), il opte pour la transformation à vue, étirée sur plusieurs bobines pour tartiner à vide sur l’effroi du personnage, diluant sur le film entier un ressort qui ne pouvait fructifier que dans le choc. Le teaser, assez épatant, dévoilé le mois dernier, donnait pourtant confiance en promettant exactement le contraire. En quoi la nullité du résultat est, au moins, conforme à son sujet : une pure affaire de packaging.