La dernière séquence d’Adieu Babylone est une merveille : sur une place new-yorkaise, des dizaines d’hommes et de femmes en patins à roulettes se balancent sur le rythme du magnifique Love train chanté par The O’Jays. Là, Raphaël Frydman réussit pendant quelques minutes ce qu’il a échoué à filmer pendant l’heure et demie précédente : des images spontanées, vivantes, prises dans un mouvement qui ne paraît pas fabriqué. Mais alors que le monde était à portée de DV, le réalisateur a préféré s’en tenir à sa petite histoire sans intérêt et à son romanesque de fils à papa.

Jugez plutôt : sûrement lassé de sa morne existence, le jeune Laurel (Emmanuel Faventines) se dirige en courant vers l’aéroport pour prendre le premier avion en partance de Paris. Qu’importe la destination, pourvu qu’on ait l’ivresse. Bingo ! Laurel débarque à Salvador de Bahia où il finit raide bourré dès le premier soir. Pas de chance, la bimbo autochtone qu’il se tape pour la nuit en profite pour lui piquer son fric et ses bagages. Du coup, le malheureux se retrouve en combinaison pourrie, contraint d’arpenter l’Amazonie juché sur ses rollers sortis d’on ne sait où. Pendant ce temps, Anouk (Isild Le Besco) l’attend avec impatience, complètement obsédée par notre baroudeur qu’elle a connu au lycée (où il était pion) et qu’elle a observé le jour de son départ précipité. Ainsi, lorsque Laurel, tombé malade, interrompt son périple, l’adolescente décide de poursuivre l’aventure et décolle vers l’autre bout de la planète…

Pour mesurer la portée du film, il suffit d’imaginer Isild Le Besco et son éternel sourire d’ahurie, caméra super-8 en main (histoire d’envoyer des bobines amoureuses à Laurel) et patins au pied comme son idole (ben ouais, c’est tellement plus style). Toujours les mêmes poses dans des paysages différents. Le contact avec l’Autre ? Pas question, à moins qu’il s’agisse d’une bombe sexuelle, éphèbe ex machina (Frydman lui-même) dont notre grosse dinde s’entiche : « Allez, youpi, on va se marier à Las Vegas ! » Comme quoi tous les voyageurs n’ont pas le talent de Robert Kramer, son génie pour immiscer le réel au coeur de la fiction, et vice-versa. Quoi qu’il en soit, ça doit quand même être sympa de faire le tour du monde aux frais de la production : dans ce genre de cas, le fait que le film soit mauvais devient presque secondaire…