Arrivée inattendue de 800 balles dans les salles françaises, après pas mal d’attente. Alex de la Iglesia a acquis une petite réputation culte grâce à ses premiers films. De la farce gore Action mutante au récent Mes chers voisins, le cinéaste s’est pour l’instant fait remarquer par une ironie féroce et un goût prononcé pour la satire. Avec ce western-chorizo, de la Iglesia s’ouvre pour la première fois à quelque chose de plus naïf : hommage nostalgique à l’âge d’or du western-spaghetti à travers le voyage initiatique d’un enfant retrouvant son père, cascadeur et forain à Texas-Hollywood, en plein cœur du désert d’Almeria, où ont été tournés tous les grands classiques du genre.

Le village est devenu un mini-parc d’attraction pouilleux où une poignée d’anciens acteurs et doublures rejouent gestes et souvenirs glorieux de cette époque pour le plaisir de quelques touristes égarés. Seulement voilà : cette terre du passé se voit menacée par une horde de requins de l’immobilier. L’hommage vire à la parodie, les acteurs entrant de plain-pied dans le réel pour défendre coûte que coûte leur territoire. Et l’hommage vire brutalement à la pure pochade. Ce basculement est l’instant même où le film, aimable et touchante reconstitution (on singe les courtes focales de Leone en un bric-à-brac visuel souvent beaucoup plus réussi que, par exemple, dans le récent Blueberry), offre un piqué sans retour. Le dernier tiers de 800 balles, sans démériter, souffre de la comparaison avec la première partie : farce et pochade, régression et narration bancale achèvent d’atténuer le plaisir pris à ces longues 2h05 de métrage.

Dommage, vraiment, tant ce surgissement de l’affect dans la filmographie du réalisateur semblait en mesure de confirmer tout le bien que l’on pensait de lui. Si la sensibilité d’Alex de la Iglesia pour le genre ne se dément à aucun instant et confirme un véritable amour du cinéma populaire, la dichotomie de son regard est une faiblesse qui empêche la magie de prendre. Entre tendresse onirique et conscience trop prégnante de son inanité (ni maniériste ni baroque, de la Iglesia est plutôt un petit classique ludique et désespéré), 800 balles arrive au bon moment pour pointer réussite et limites de la jeune garde du cinéma de genre espagnol : un drôle de mélange de fraîcheur et de morbidité qui, sans rien révolutionner, demeure bien au-dessus de son homologue français sans repères.