Ces dix-sept filles, plus deux (Muriel et Delphine Coulin, qui sont soeurs et, venues du roman et du documentaire, signent ici leur premier long métrage), qui sont-elles et surtout : d’où viennent-elles ? De la côte Atlantique, à Lorient où le film se passe, et où les sœurs cinéastes ont passé leur enfance. Elles viennent aussi de plus loin, de l’autre côté de l’océan, de l’Amérique et d’un modèle, le teen movie, avec lequel le film voudrait, sinon rivaliser, du moins essayer de dialoguer. Ce n’est pas complètement nouveau : depuis un an ou deux, un courant se dessine qui voit le cinéma français chercher de nouvelles voies pour représenter sa jeunesse. L’Amérique est une piste, évidente – mais pas la seule : La Vie au ranch, seule vraie réussite récente, restait bien chez Rozier. Un an après Simon Werner a disparu, le film des sœurs Coulin s’engage sur cette piste avec le même embarras, le même problème. Comment faire tenir l’Amérique dans le paysage français ? Comment faire cohabiter héritage naturaliste et appétit pour le mythe, pour la limpide universalité de la fiction adolescente américaine ? Simon Werner forçait toutes les coutures, filmait l’Amérique en banlieue parisienne, pour un résultat monstrueux, grotesque mais attachant. 17 filles s’y prend, a priori, plus finement, mais sans trouver beaucoup plus de résultat. Le film commence mieux, finit pire.

L’Amérique c’est aussi, c’est d’abord, le fait divers inouï dont s’inspire 17 filles : le récit de dix-sept lycéennes de la côte est qui décident, en 2008, de tomber toutes enceintes en même temps. Le film commence plutôt bien, donc, parce que, dans le paysage un peu abstrait de dunes et de ville fantôme qu’il filme précieusement (cadres léchés, couleurs vives, filles évanescentes pareilles à des poupées interchangeables), on sent un désir – très américain pour le coup – de ne pas donner aux lycéennes d’autre attache que celle de leur jeunesse, de ne pas leur choisir d’autre cadre que le halo d’utopie dessiné par leur âge. Là-dessus le récit embraye plutôt bien : le pacte se noue le plus simplement du monde comme un banal secret de cour de récré, on reste avec les filles, loin des parents, loin du fait de société que le film aurait pu se piquer de décortiquer. Fausse joie. Tapie dans le décor, la sociologie attendait son heure, pour frapper là où on ne l’attendait pas, mais alors vraiment pas : dans la biographie des filles, qui semblent avoir été toutes castées à l’Ecole Alsacienne (pour le coup, elles auraient pu être les petites soeurs, plus sages, des pimbêches bourges de La Ve au ranch), mais dont le film voudrait nous faire croire qu’elles sont filles de bistrotiers et d’ouvriers. Sérieusement, comment est-il possible qu’à aucun moment, personne n’ait pris conscience du comique involontaire de ce décalage ? L’effet est redoutable : plus possible de croire à quoi que ce soit, sitôt identifié ce ridicule. À ce ridicule il existe pourtant un antidote, vieux de dix-sept ans déjà et trop peu visible : le Travolta et moi de Mazuy, et son personnage sublime de fille de boulanger, à laquelle on repense en se disant que, si tout n’est pas perdu, l’avenir du teen movie français est loin, loin derrière lui.