Entre deux Transformers condamnés à l’inflation, Michael Bay semble avoir décidé de s’aménager une filmographie alternative et auteurisante, à la croisée de Tony Scott et de Leni Riefensthal. C’était, hier, No Pain no Gain, farce shootée aux stéroïdes sur l’American Dream, où un trio de bodybuilders s’employait à mener la débilité bruyante de ce cinéma jusqu’à son point de non-retour. Devenu la caricature de lui-même, le réalisateur de Bad Boys 2 s’y retrouvait nez-à-nez avec toutes ses contradictions, en une autoparodie redessinant les contours de son habituel carnaval de phéromones et de vulgarité.

Arrivé au stade terminal de sa maladie et se sachant incurable, c’est comme si le patient Bay s’était piqué de faire son propre diagnostic, entrepris de l’intérieur de l’affection dégénérative qui le ronge depuis ses débuts de clippeur. Une porte de sortie inespérée ? Un examen de conscience ? Si les bras cassés de No Pain no Gain finissaient tous derrière les barreaux, les marmules de 13 Hours, lui aussi based on a true story, démissionneront un à un après cette mission de l’extrême (défendre, en plein chaos lybien, une agence de la CIA assiégée) qui leur a révélé l’absurdité de leur fonction. Comme ses action men parés pour défourailler, Bay fait donc ce qu’on attend de lui (faire hurler des moteurs, crisser des pneus et exploser tout ce bouge) mais finit involontairement par documenter les limites de son addiction pyrotechnique, la fascination virant progressivement à l’écoeurement.

13 Hours accompagne ainsi le délitement d’une meute de mâles alpha, égarés sur le chemin d’une quête héroïque au bout de laquelle se logera, non plus la gloire, mais la déception, face à une mère patrie qui les a abandonnés et un storytelling militaire qui a cessé de faire sens. D’où un film de siège interminable et totalement informe, sous-Black Hawk Dawn dont la débauche blasée s’ébroue entre deux fantasmes inatteignables : d’un côté, la reconstitution hyper réaliste et hyper documentée ; de l’autre, l’hommage lénifiant à l’héroïsme individuel et au dépassement de soi.

À l’intérieur de ce système fermé, on retrouve érigée à un état d’abstraction fascinant toute la démesure maladroite de ce cinéma, où mettre en scène consiste surtout à placer chaque curseur figuratif au maximum de son intensité. Impossible de comprendre quoi que ce soit au milieu de cette bourrinnade balistique se déversant aléatoirement et sans discontinuer, comme un bateau prenant l’eau de toute part. Manière de légitimer et d’amplifier les effets dévastateurs du fameux “Bayhem”, cette lobotomie scopique ivre du désordre et de la saturation, qui filme chaque scène par tous les angles technologiques possibles sans voir jamais plus loin que le bout de son nez.

Car cette panique formelle tous azimuts raccorde idéalement avec la confusion du champ de bataille benghazien, où chacun shoote dans le tas sans qu’il soit possible de différencier ses alliés de ses ennemis. À ce titre, il faut savoir gré au film de chercher moins à discourir sur la réalité géopolitique de l’événement (la contextualisation, chez Bay, se réduit à un éternel briefing de mission de sauvetage, la poudrière lybienne valant bien l’astéroïde d’Armageddon) que de rejouer un conflit idéologique interne : entre guerriers et administrateurs, entre hommes d’action et gratte-papiers — entre ceux qui en ont, et ceux qui n’en ont pas.

Davantage qu’un western sauvage où les derniers cowboys de l’Amérique affronteraient les miliciens du Far East, 13 Hours filme ainsi la démission du politique en situation de crise, jusqu’à délirer la prise de pouvoir des soldiers sur les politicians. Au premier abord, aucune raison de s’offusquer devant ce programme inquiétant et patapouf, rendu inoffensif par sa crétinerie. Juste préciser que Donald Trump a forcément beaucoup aimé le film, au point de réquisitionner un cinéma où il passera gratuitement.

3 COMMENTAIRES

  1. A savoir qu’en 2012 Hillary Clinton était secrétaire d’état et qu’une partie de ce désastre lui a été reproché notamment sur les questions de sécurisation des ambassades et sur bien d’autres sujets.
    Ce film fut une aubaine pour le candidat républicain. Il ne l’a pas juste apprécié pour ces effets pyrotechniques….

  2. A savoir qu’en 2012 Hillary Clinton était secrétaire d’état et qu’une partie de ce désastre lui a été reproché notamment sur les questions de sécurisation des ambassades et sur bien d’autres sujets.
    Ce film fut une aubaine pour le candidat républicain. Il ne l’a pas juste apprécié pour ces effets pyrotechniques….

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