De Danny De Vito, on connaît peu le parcours de cinéaste intermédiaire, beaucoup moins en tout cas que son travail reconnu d’acteur et génial nabot hollywoodien. 1 duplex pour 3 ne risque pas de changer la donne, tant il s’inscrit dans la lignée de son film le plus connu, La Guerre des Rose, comédie domestique de pur faiseur où une demeure devenait pour un couple divorcé un théâtre empli de pièges et de chausse-trappes. La maison familiale comme champ de bataille : c’est à nouveau le sujet de De Vito, deux jeunes mariés, Alex et Nancy, se retrouvant dans une demeure magnifique dont le deuxième étage est habité par madame Connelly, une vieille dame repoussante et retorse. Sur un mode voisin de celui du Viager, les deux tourtereaux voient leur espoir de bonheur conjugal sans cesse repoussé par la santé inespérée de l’indélogeable grand-mère.

Parmi les qualités de ce cinéma, une incandescence burlesque qui joue avec générosité d’un comique de situation taillé à la serpe. Le goût pour l’incongru, la frontalité de la mise en scène, toujours sur le fil du grotesque (la vision trash et phobique de la vieillesse), se doublent d’un bel équilibre entre attente et plaisir fermé de la convention, de l’arrivée confortable dans la maison, cocon promis aux amants, au détraquement progressif de l’ordre espéré. Le film avance durant deux tiers sans relâcher sa tension, multipliant les tours de force avec une réussite parfois insolente (le stratagème délirant de la télé éteinte à distance et sans cesse rallumée par la vieille). Lorsqu’il faiblit, le rythme repart aussitôt, fonctionnant par à-coups et pics, à la manière d’un cardiogramme un peu détraqué. C’est aussi la limite du style De Vito : un manque de fluidité, une façon de vouloir tout faire tenir au prix d’un effort parfois trop visible, bloquant le naturel au profit d’une mécanique comique souvent sèche et désincarnée.

Manque au cinéaste une vraie distance, un regard d’ensemble qui permettrait au film de s’ouvrir à une véritable folie. De là cette impression d’un soufflé qui retombe dans la dernière partie, immédiatement après la scène épicentrale du film (le plafond effondré et l’éclatement littéral du lieu). Alors De Vito s’en remet à de purs artifices scénaristiques (le tueur à gages, la fin en pirouette) qui atténuent la puissance comique atteinte plus tôt. Dommage, car les chances de voir se bonifier ce cinéma sans véritable conscience de ses qualités, par trop laborieux et se regardant suer dans l’effort, semblent assez minces. Ce qui n’est pas un drame non plus, le niveau d’une telle comédie dépassant allègrement en tonicité et vitalité la moyenne hollywoodienne du moment, reléguant sans peine un Ladykillers ou un Terminal (le prochain Spielberg, en septembre 2004) au rang de films-croûtons parfaitement cyniques.