Il n’y aurait pas grand chose à dire d’Ashman, si ce manga ne se distinguait pas des autres par une constante recherche graphique assez inhabituelle. La trame du scénario est en effet archi-rabachée : Avenir lointain et oppressant, sport-futuriste-méga-violent, le « Motorball », mixant course de fond et foot US, fusion chair-machine, etc. Du manga-SF plutôt bas de gamme, mais est-ce vraiment si important. Non, ce qui a vraiment motivé Kishiro, c’est de jouer sur les contrastes ombre-lumière, à la manière d’un Breccia des jeunes années, ou plus précisément d’un Franck Miller, lui-même amateur de BD nipponne… D’ailleurs l’analogie avec Miller ne s’arrête pas là : prostituées assassinées, tueur psychopathe, corruption, c’est un peu Sin City sauce saké de l’an 3000.
Malheureusement, comme souvent chez Miller, la recherche de l’harmonisation des formes et des contreformes par le clair-obscur se fait un peu au détriment du dessin, parfois franchement bâclé. Elle se fait aussi au détriment de l’intrigue, rachitique, et des personnages, squelettiques et transparents. Le personnage principal ressemble comme deux gouttes d’eau à Edward Swissorhands de Tim Burton : déprimé, déprimant, et vaguement autodestructeur. Les femmes sont a) blondes éthérées b) putes. On n’échappe pas non plus au vieux coach intègre et au responsable de club sportif pourri. Tout ce beau monde nage la brasse coulée dans un océan de clichés que n’estompent pas les jeux de lumières houleux, ceux-ci ne cachant qu’avec peine l’absence totale de décor et de background.

Même si l’obsession de Kishiro sur la chair-pulverisée-mêlée-aux-débris-de-métal est parfois troublante, voire dérangeante, on voit mal ce qu’Ashman pourrait apporter de nouveau. Un surplus de violence ? On finit par être blasé. Un graphisme avant-gardiste ? Déjà vu, en mieux, chez d’autres auteurs de BD. Finalement, le seul point vraiment amusant de cette BD c’est que le héros est un sportif dopé « à l’insu de son plein gré » et qu’il est à peu près aussi neu-neu que Richard Virenque… Une analogie franco-française pour un manga nippo-occidentalisant qui n’a pas grand chose pour lui…