On aurait pu penser, bien naïvement que mangas et animes étaient enfin rentrés dans les mœurs, succès public aidant, qu’on ne les considérait plus comme un sous-genre de la bande dessinée, à proscrire définitivement de sa bibliothèque sous peine de passer pour un con, ou pire, un non-esthète de mauvais goût… Erreur ! Quelques beaux arbres (Miyazaki, Taniguchi) cachent la forêt, mais dans l’ensemble, les choses n’ont pas tellement évolué. Il n’y a qu’à regarder la presse culturelle officielle et psychorigide mépriser une merveille comme l’OAV de Kenshin ou ignorer crassement le génial Neon Genesis Evangelion pour se rendre compte de l’ampleur des dégâts… Le manga, c’est encore et toujours « débile, laid et violent » dans l’esprit des gens affolés par l’abyssale crétinerie des après-midi Club Dorothée…

De ce point de vue-là, Katsuo, de Takashi Hamori -déjà auteur du cultissime et hilarant Noritaka-, cumule les défauts rédhibitoires. C’est effectivement « débile, laid et violent » mais poussé dans de tels retranchements qu’on pourrait presque parler de démarche auteuriste. Au sein de la bande dessinée japonaise, au moins, la connerie s’assume avec panache… On ne peut pas toujours en dire autant de la production occidentale.

Niveau scénario, Hamori ne s’est pas trop cassé la tête… On frôle le copier-coller de Noritaka. Même point de départ, Katsuo est un lycéen maigrichon de 15 ans, préoccupé par ses hormones mais collectionneur de râteaux. C’est un peu Extension du domaine de la lutte dans le milieu si particulier et désormais presque familier du lycée nippon. Il faut dire que Katsuo est un trouillard invétéré et une tête de Turc idéale pour les délinquants juvéniles. Jusqu’au jour où, assistant impuissant au racket de son meilleur ami, il décide d’apprendre la « bagarre » avec l’aide de son correspondant internet Matsuki… Désormais affublé d’une ridicule banane rockabilly, Katsuo va petit à petit grimper les échelons du microcosme social scolaire en gagnant des combats, souvent par la grâce d’un immense coup de bol… Mais il y a un revers de la médaille à ces victoires inespérées : Katsuo se retrouve bien vite mêlé à une guerre des gangs à laquelle il n’est pas vraiment préparé et commence sérieusement à craindre pour sa vie malgré l’intérêt grandissant qu’il suscite chez les adolescentes concupiscentes et « sur-poitrinées » du voisinage…

Avec un tel topo, on pourrait croire à une banale histoire d’initiation à la vie sociale par le combat, mais Hamori pousse le bouchon beaucoup plus loin… L’humour ultra-régressif est son fer de lance, ses œuvres sont des odes à la trilogie zizi-caca-nichon… Sang, urine, salive, morve, défécation, on a rarement vu des personnages sécréter autant de saloperies aussi fréquemment… Une telle persistance dans la scatologie la plus cradingue rendrait Hamori presque sympathique s’il ne peinait autant à se renouveler. Et son outrance cartoonesque -particulièrement vivace lors des combats- rappellerait presque les belles années de la sous-culture américaine (Mad et consorts), ce qui n’est pas un mince compliment… On peut donc sans trop de remords se débarrasser de ce vieux fond de culpabilité judéo-chrétienne et se plonger avec délectation dans les affres de l’humour pipi-caca de Katsuo.