Stéphane Heuet a lu A la recherche du temps perdu de Marcel Proust, et le plaisir qu’il en a ressenti n’a pas été précieusement et égoïstement gardé. Il a voulu partager ses émotions avec un large public, celui de la Bande dessinée. Car comment prolonger le plaisir, quand, la mort dans l’âme, on doit se résigner à refermer le dernier volume d’un roman qui vous a accompagné des jours durant ? Des images vous restent, des impressions, des souvenirs diffus… Heuet ne s’est pas découragé. Il s’est attelé à une tâche bien difficile, adapter La recherche en planches. On imagine bien la persévérance, l’ingéniosité, pour satisfaire le lecteur à partir d’un texte si ardu au niveau de la syntaxe, si beau dans ce qu’il évoque et si apprécié par les « puristes ». C’est une grande réussite.
Dès la première page, le fameux : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » est illustré avec poésie et modestie. Il annonce un album soucieux de restituer l’univers de Proust et de ne pas le trahir. Ainsi, Heuet privilégie des phrases entières du roman ; il sait retranscrire ses émotions et même nous rappeler celles que nous avons eues en lisant La recherche. Que demander de plus ? Ceux qui n’ont pas eu le courage de se plonger dans la grande saga proustienne trouveront dans la BD de Stéphane Heuet une bonne introduction et surtout une invitation à aller plus loin, à construire à leur tour leur propre univers en se lançant dans La recherche avec, peut-être, un peu moins d’appréhension.