Pas facile tous les jours d’être étudiant…. Entre les petits jobs trouvés à la hâte pour joindre les deux bouts et un propriétaire qui pratique le harcèlement locatif dès le premier jour du mois, pour une chambre de bonne qui comporte en tout et pour tout quatre murs et une vague paillasse épaisse de quelques millimètres, il y a de quoi se laisser doucement glisser dans la déprime. Mais si, en plus, vous vous appelez Ariel Fibrome et que vous êtes du genre à être victime de malentendus plus graves… votre félicité aura du mal à pointer le bout de son nez. Ariel n’est pas ce qu’on pourrait appeler un jeune homme chanceux auquel la vie sourit et le transporte de réussite en réussite. Il est étudiant en mendicité et vient de subir un exercice de travaux pratiques qui s’est soldé par un renvoi fracassant de la faculté. Sans le sou, et par conséquent sans le gîte, il décide de faire le cobaye pour un chercheur. L’expérience est catastrophique et le voilà embringué dans une série de pièges qui s’enchaînent sans qu’il ne puisse les éviter.

Décrire le parcours d’un jeune homme malchanceux n’aurait rien d’original si les situations décrites n’avaient pas cette singularité. Mais lorsque Dumontheuil met les mains à la pâte, il ne se contente pas de ces ingrédients là. Il y ajoute une bonne dose d’humour, une grosse pincée de burlesque, une énorme cuillère à soupe d’imagination débordante, une rasade de causticité et un coup de crayon d’une précision chirurgicale. La palette des expressions est impressionnante, les visages insolites soulignent merveilleusement les âmes. L’album respire l’intelligence et la liberté. Le monde de Dumontheuil n’est pas loin du nôtre, il ne fait que forcer légèrement le trait, mais les thèmes abordés sont bel et bien ceux qui nous préoccupent, ou au contraire qu’on voudrait fuir. Les malheureux concours de circonstances, les engrenages infernaux existent autre part que dans le virtuel. Echapper à son destin, contourner une fatalité, n’est pas chose aisée…

Heureusement, Malentendus reste une satire, une caricature. Et d’ailleurs l’esthétique de Dumontheuil tend à aller dans ce sens. Mais ce qui est troublant, c’est qu’il ressort toujours de ces histoires une impression d’avoir fait un mauvais rêve ou tout du moins un rêve étrange dans lequel les symboles se sont amusés à nous faire perdre un peu la tête, durant un court instant. Une vague impression d’éblouissement, d’amnésie, de vertige… et si ça pouvait nous arriver ?