Quand Suzy l’avaleuse rencontre Julot Casse-dalle, ça donne Nola Baker. Malheureusement pour certains et heureusement pour d’autres, la gnôle prohibitive vous troue plus le foie qu’il vous fait voir des papillons roses. Orpheline de père (rapport à la bibine), Nola se retrouve bientôt livrée à elle-même, le jour où « l’avaleuse » raccroche ses jarretelles et salue bien bas son maquereau. Un bref passage dans une pension de bonnes sœurs et Nora se lance dans la jungle de Harlem et de Brooklyn. Pas innocente, pas candide pour un sou, elle s’acoquine avec un piètre détective en attendant des jours meilleurs. Mais comme dans toutes les séries B qui se respectent, le détective ne fait pas long feu, et la voilà propulsée sur le devant de la scène des règlements de compte et assassinats obscurs. Nora n’a rien à envier aux grands caïds, elle manie bien la gâchette, trouve un associé, Slim le souteneur, et fait le ménage…

Le reste de l’intrigue est à l’avenant. Les dialogues ne manquent pas de relief, les rues de Brooklyn, noires, poisseuses et déconstruites rappellent les films des années 50. Le sang, l’alcool et la nicotine font partie du lot. Les gueules louches et pas franchement rassurantes rivalisent de crapulerie. Prendre les armes, s’entourer d’une belle brochette de parrains et faire la nique au barillet, ou alors se transformer en macchabée esseulé dans un coin de rue ou sous un escalier dérobé : le décor est planté. Dans ce Bloody Manhattan, premier tome d’une série appelée Miss, Nora l’héroïne pourrait devenir une « Manhattan Queen » en acier trempé.