Cinq petits tours et puis s’en vont, la « saga » Dark Angel s’arrête « temporairement » alors qu’elle ne semblait même pas avoir véritablement commencé. Tout le mystère de l’avenir de cette série étant dissimulé derrière ce « temporairement ». Reprendra-t-elle un jour ? No sé. Asamiya s’est déjà attelé à un autre projet ambitieux, une « série destinée au public américain ».
De l’ambition, l’auteur de Shinseiki Vagrants et de Silent Moebius en a à revendre, c’est certain. On s’est évertué à longueur d’articles à miser -vainement donc- sur ce Dark Angel, série touffue et complexe, mélange audacieux de fantasy asiate, de géopolitique imaginaire, d’arts martiaux et -révélation cathartique de ce dernier tome- de mechas diaboliques, les terrifiants Gairana. Un cocktail qui rappelle le côté ratatouille de Silent Moebius, pour mémoire : techno thriller+fantasy lovecraftienne+mystique evangelionienne. Et qui aurait pu porter ses fruits si Asamiya n’avait pas eu l’idée saugrenue de privilégier l’aspect baston débridée… surtout sur un aussi court format. C’est bien simple, à côté de Dark Angel, Toriyama (auteur de l’inoubliable Dragon Ball Z), c’est du Rohmer.

Si le futur de la saga n’était pas aussi incertain, on pourrait presque parler de suicide artistique. S’échiner à créer des bases de scénario intrigantes, parfois fascinantes, un univers cohérent et séduisant, pour s’achever sur une queue de poisson bien vite torchée relève quasiment du surréalisme. Quid du véritable caractère du héros à l’antagonisme très Jekyll/Hyde -comme l’indique son patronyme schizoïde « Dark Angel » ? On n’en saura pas plus pour le moment. Faut-il l’avouer, on est suffisamment resté dans l’expectative pour se contenter désormais d’un « à suivre » aussi hasardeux. En l’état, donc, cet album est un beau gâchis de compétences. D’autant plus regrettable que Génération Comics avait particulièrement soigné le lay-out et le travail d’adaptation, ce qui n’est pas si courant, on peut le reconnaître. De l’extérieur, l’intégrale Dark Angel, avec son esthétique coffret, compose un superbe objet décoratif qui fera belle figure dans votre mangathèque. Dommage que l’intérieur ne laisse qu’un tel arrière-goût d’inachevé, après tous les espoirs qu’on avait placés en lui.