Clara est bien embêtée. Son détective de papa s’est fait perforer la panse. En guise d’héritage elle ne reçoit qu’un vieil appartement-bureau dans un immeuble populo. Histoire de communier avec l’esprit défunt de son papounet, elle décide de squatter l’appart’ jusqu’au jour où elle se laisse embarquer par un nouveau client dans une mystérieuse histoire de disparition.
On peut éprouver une certaine sympathie pour Chauzy, sans doute parce qu’il a écumé quelques magazines indie-rock en tant qu’illustrateur et qu’il s’est fendu de quelques autobiographies BD -aujourd’hui on appelle ça auto-fiction depuis la déferlante ultra-narcissique de la dernière rentrée littéraire- plutôt bien torchées. Par contre, on est toujours resté assez dubitatif devant son dessin. Pourtant, on frôle parfois le sublime dans ce Faux-Fuyants, notamment sur deux planches représentant un match de catch féminin. Couleurs flamboyantes, trognes cassées expressionnistes, on n’est pas loin des « foligatteries » de De Crécy ou des peintures hautes en couleurs de Lautrec. Malheureusement, le reste de l’album est nettement plus banal, Chauzy s’avérant incapable d’insuffler la moindre personnalité à ses personnages principaux. Prenons cette Clara, par exemple : brunette coupée au carré, yeux verts, elle est aussi passe-partout que le nain de Fort Boyard et aussi charismatique que mon genou. Ça un héros récurrent ? On préfère encore se taper Julie Lescaut.

Chauzy devrait surtout mieux choisir les scénaristes avec qui il travaille. Cette histoire de disparition manque tellement d’enjeux, son final est tellement planplan, on se croirait presque au bon milieu d’un polar miteux du mercredi soir made in France 2. On ne vous fera pas l’insulte de vous dévoiler la fin, mais enfin tout de même, on est loin d’Usual Suspects. Faux-Fuyants souffre d’une maladie typiquement française : on ne sait pas écrire de la série noire digne de ce nom. Allez, on voit bien que Lapière louche du côté de Simenon et de Céline -pour le côté populo, sauf qu’ici c’est plus sympa parce que tout le monde est sympa, des beaufs aux putes occasionnelles. Mais l’univers de Faux-Fuyants manque de rugosité et de perversité : ni l’intrigue principale, ni les nombreuses disgressions flirtant avec le cliché ne viennent relever la sauce.

Ca n’est pas qu’on ait quelque chose contre la BD familiale, grand public -enfin… en fait, si, mais c’est une autre histoire-, mais elle se vautre de plus en plus dans le néant absolu, l’inintéressant, bref la vacuité. Ce genre-là manque de véritables héros auxquels on voudrait s’accrocher. Les temps ont changé, de nombreux jeunes auteurs on changé la donne, et on ne s’intéresse vraiment plus aux neuneus propres sur eux et vertueux. Clara evoluera peut-être avec le temps -je sais pas moi, qu’elle se drogue, qu’elle se prostitue, qu’elle change de sexe, quelquechose quoi !-, en attendant elle nous ennuie autant qu’un dimanche devant la télé.