Jack est un enfant de la balle. Et pour se faire respecter par les autres enfants du quartier et intégrer le clan des durs à cuire, il doit faire preuve, une fois au moins, de courage et de témérité. En attendant de voir ce qu’il a « dans l’falzar » on le surnomme Pétoche. L’épreuve ultime pour être intronisé consiste à s’introduire dans une propriété privée et à en rapporter un objet prouvant son passage dans les lieux. Jack n’est pas très rassuré. Le jardin ressemble plus à un cimetière qu’à une promenade anglaise. L’immense demeure qui se dresse devant lui est inhabitée depuis de nombreuses années et des bruits peu rassurants courent sur d’hypothétiques occupants. Mais Jack n’a pas le droit de se défiler ; ses copains l’attendent au tournant. Sous l’œil bienveillant de la seule fille du groupe, Sam, il se lance dans l’arène et a vite fait de refaire surface quelques minutes plus tard. Le gage est accompli, il ressort avec un étrange livre sous le bras, celui-là même qui va changer le cours de sa vie, ainsi que celui de son amie Sam…

Deux mythes se disputent ici la vedette. D’un côté, Boiscommun et Filippi s’intéressent au mythe de la métamorphose de l’homme en loup, et de l’autre, les auteurs donnent leur propre version du Destin et des accidents de parcours qui pourraient le modifier. Car le livre de Jack est un objet particulier, ensorcelé. Au fur et à mesure que le héros accomplit des actions, celles-ci s’inscrivent quasi simultanément sur le livre. Ainsi le destin de Jack est consigné sur des pages qui se noircissent continuellement. A partir de cette découverte, les choses se compliquent. Des esprits malveillants s’en mêlent et Jack perd le contrôle de son existence. On n’en dira pas plus sur l’intrigue à rebondissements qui se met en place. Le scénario de Filippi est bien mené et surtout offre une large palette de références littéraires évoquant aussi bien Edgar Allan Poe que Bram Stoker. Les liens qui se créent entre Jack et Sam rappellent aussi l’histoire de La Belle et la bête de Leprince de Beaumont. Les dessins signés Boiscommun allient finesse de trait et précision, chaque page est un festival de couleurs savamment assorties, ce qui donne à l’ensemble une harmonie esthétique et un grand plaisir de lecture.