Décidément, l’Association est vraiment ce qui pourrait arriver de mieux à la bande dessinée hexagonale depuis la création de Pilote… Spécialistes du comic autobiographique, très en vogue depuis Crumb, les auteurs de l’Assoc’ se sont rapidement fait remarquer par leur indéniable talent et depuis cachetonnent malicieusement à droite et à gauche… Quatre d’entre eux ont répondu à une commande pour réaliser une série de reportages en images sur l’Égypte ; soit Baudoin, David B., Menu et un auteur résidant lui-même au Caire, Golo… Le résultat, dépourvu de la moindre concession, n’a, paraît-il, pas vraiment plu aux autorités… Forcément… Ce carnet de voyages ne baigne précisément pas dans l’angélisme touristique… Intégrisme religieux, terrorisme, misère, modernisme galopant côtoient la magie toute empreinte d’Histoire des paysages égyptiens… Quatre visions subjectives de quatre régions distinctes.

Ainsi Golo, habitant au Caire, nous décrit sa ville avec la mentalité « piétonne » d’un Tati ; flâneries moitié attendries, moitié révoltées dans un univers foisonnant et bruyant, dans une ville déchirée entre la tradition et l’occidentalisme… Dans la même veine impressionniste, Baudoin nous concocte un journal intimiste sur son séjour à Alexandrie, un regard plein d’amertume sur la ville en particulier et sur le Bassin Méditerranéen en général, amalgamant les barbaries résultant de la Tradition avec les secousses politiques du sud-est de la France…

Plus originaux, David B. et Menu se tirent mieux de cet exercice périlleux… Le premier en versant dans un semi-onirisme -son image de marque- mêlant réalité et légendes nord-africaines… Le second en choisissant de traiter un événement dramatique -l’attentat de Louxor- de manière tragi-comique… Le trait de David B., toujours très orientalisant, illustre à merveille l’atmosphère de l’oasis de Siwa, et ses noir et blanc ultra-contrastés rendent justice aux multiples paradoxes qui habitent les villageois qu’il rencontre, pacifiques mais intransigeants en ce qui concerne les traditions religieuses… Menu, enfin, dépeint avec beaucoup de drôlerie les affres du touriste sur les lieux d’un attentat… Un succédané graphique au Don’t Drink the Water de Woody Allen en quelque sorte… Espérons que ce voyage en initiera beaucoup d’autres…